Nicolas Pien des éditions Passage(s) a été interviewé pour le dossier « Domaines étrangers ».
Vous pouvez lire ci-dessous l’interview in extenso.
La découverte des œuvres étrangères
« Chez Passage(s), nous traduisons des œuvres étrangères vers le français. La part du domaine étranger que nous éditons représente 35 à 40% de nos publications (œuvres de fiction, sciences humaines, littérature). Nous n’avons pas de normes en matière de choix, nous fonctionnons au coup de foudre, nous découvrons des auteurs étrangers par plusieurs biais. Ça peut être au Salon du Livre de Paris car les pays (Estonie, Pologne par exemple) y achètent un stand et proposent un catalogue d’auteurs déjà traduits dans d’autres langues, ce qui représente un fond intéressant d’auteurs qu’on aime beaucoup. Il s’agit d’une littérature de qualité, des contes, des nouvelles, qui traduisent l’esprit actuel de l’Europe et que nous avons envie de présenter au public français. Ce type de textes existe en France aussi bien sûr, mais ils sont pris par de grandes maisons d’édition, et Passage(s) est une association qui ne fait pas le poids.
Nous découvrons aussi des œuvres ou auteurs étrangers grâce à la connaissance d’un pays par un ou des membres de l’association. Ou par des traducteurs qui proposent des œuvres étrangères qu’ils connaissent, dont ils connaissent le pays, la langue. Ils nous indiquent les œuvres qui répondent à notre ligne éditoriale. Notre marque de fabrique, ce sont les nouvelles, les fictions très courtes sur des sujets actuels. Nous ne commandons jamais de traduction en revanche. Nos découvertes passent aussi par notre réseau, par des amis que nous avons partout dans le monde et qui connaissent des langues, pays et cultures étrangères.
Nous allons là où les autres éditeurs ne vont pas. Les éditeurs français éditent très peu de nouvelles étrangères. Les droits sont donc abordables. Et Passage(s) peut n’en traduire que quelques-unes et en éditer un recueil par exemple. Les formats courts sont aussi moins chers en traduction. L’attrait n’est pas d’ordre économique car ça a un coût de traduire. »
Les coûts d’édition de textes étrangers
« Avant de faire traduire un livre, la première précaution à prendre est de se renseigner sur les aides à la traduction. Tous les pays n’offrent pas cette aide, ou à des hauteurs pas assez importantes. Quand on commence à avoir 60 à 70% d’aide, c’est bien, l’idéal étant une prise en charge du coût de traduction par le pays de l’œuvre de 80 à 90%. Par exemple, l’Estonie et l’Islande aident énormément la traduction, car ils ont une volonté de promouvoir la littérature de leur pays.
Une autre des difficultés se situe au niveau de la presse française qui a tendance à privilégier la littérature française/francophone. Les auteurs français se déplacent dans les salons etc, ils sont visibles. Faire venir les auteurs étrangers est plus compliqué et engage des frais. Le festival les Boréales est très intéressant aussi de ce point de vue puisqu’il prend en charge les frais de déplacement/hébergement des auteurs étrangers qu’il fait venir en France. On peut alors faire venir et donc faire connaître au public français des auteurs nordiques plus facilement.
On peut aussi se tromper, par exemple faire traduire deux œuvres d’un même auteur en même temps, et ne vendre que la première, notre lectorat n’achetant pas forcément la deuxième. Même si les deux ouvrages sont bons. Ça peut être lié à une question de timing, mieux vaut en éditer un, puis le deuxième dans un second temps. »
La relation avec le traducteur
« Pour moi, un traducteur, c’est un dénicheur de talents et c’est un véritable auteur. Traduire, c’est compliqué. Il y a un véritable travail d’appropriation de l’œuvre, un travail de syntaxe, sans trahir le texte original. Il faut être un très fin connaisseur de la langue française pour être un bon traducteur.
Il y a des traducteurs avec lesquels il y a une vraie relation de confiance, comme c’est le cas avec Jean-Christophe Salaün. Quand ce n’est pas le cas, et c’est déjà arrivé, ce n’est pas satisfaisant car c’est à l’éditeur de finir le travail du traducteur, de retravailler le texte. »
Propos recueillis par Laurent Cauville, avec Nathalie Delanoue et Christelle Tophin / aprim
Lire l’intégralité du dossier Domaines étrangers publié dans Perluète #03