Christian Cler, Vice-président de l’ATLF (Association des Traducteurs Littéraires de France), a été interviewé pour le dossier « Domaines étrangers ».

Vous pouvez lire ci-dessous l’interview in extenso.

 

La formation des traducteurs

« La formation en traduction littéraire s’est développée depuis 20-25 ans. Beaucoup sont dispensées par des facultés, certaines proposent des Master 1 et 2, comme Paris 7 (anglais), Paris 8 (allemand, anglais, arabe, espagnol, italien, portugais, russe). On peut citer aussi l’Inalco à Paris (langues orientales), Strasbourg (allemand, anglais, grec), Angers (allemand, anglais, espagnol), Avignon (anglais), Bruxelles (Centre européen de traduction littéraire)…

On trouve aussi des formations post-universitaires, comme le programme Georges-Arthur Goldschmidt de l’OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse) ou La Fabrique des traducteurs au CITL (Arles), qui propose des résidences, des échanges avec d’autres traducteurs et une offre très étoffée. Enfin, une offre existe aussi en formation continue, avec l’AFDAS (Paris) et l’excellente Ecole de traduction littéraire sous la direction d’Olivier Mannonni, excellent traducteur de l’allemand, qui permet d’offrir à de jeunes traducteurs déjà engagés, une formation complète sur deux ans, essentiellement dans les langues rares (toutes les infos sur www.atlf.org, rubrique « profession traducteur »).

Cette multiplication des formations est un signe des temps. Le mauvais côté de la chose c’est qu’une masse de traducteurs titulaires d’un Master 2 sollicitent les maisons d’édition, ce qui a pour effet mécanique de casser les prix. D’où l’intérêt de formations qui sensibilisent aux usages, aux droits, à la réglementation… 

Mais la véritable formation, même pour quelqu’un de très doué, c’est d’abord la pratique et l’expérience. » 

 

Le paysage de la traduction en France

« D’une année sur l’autre, le pourcentage de livres traduits augmente. Le paysage de la traduction s’étoffe, ce qui montre un appétit des éditeurs et du public pour la littérature étrangère. Certaines langues émergent, notamment les scandinaves. L’anglais reste en position dominante, devant le japonais et l’allemand. Le nombre de traducteurs asiatiques devrait augmenter, portés notamment par une percée attendue de la littérature et de la BD chinoise. De nouveaux traducteurs arrivent sur le marché. Ce métier fait-il davantage rêver les jeunes ? Je n’en suis pas sûr. D’autant que la rémunération reste un problème majeur du métier. La part des traductrices a considérablement augmenté ces dernières années, elles représentent les deux tiers des effectifs aujourd’hui. »

 

La rémunération

« La précarisation de la profession se confirme. La rémunération au feuillet est déjà problématique. Historiquement, elle se cale sur un tarif pour un feuillet de 25 lignes de 60 signes (actuellement autour de 21 €), ce qui normalement représente entre 1200 et 1400 signes espaces compris. Mais avec l’usage de logiciels comme Word beaucoup d’éditeurs rémunèrent à ce tarif… pour 1500 signes, soit une perte de 15 à 30%. Le deuxième problème, c’est que ce tarif n’a pas évolué depuis le début des années 2000. En prenant en compte l’inflation depuis le passage à l’euro, on estime à 40% la baisse du niveau de rémunération des traducteurs en France. Certes les éditeurs naviguent aussi beaucoup à vue, mais à ce rythme, il sera très difficile de vivre de la traduction dans les années à venir. Les quelques aides publiques ou dispositifs existants ne suffisent pas à compenser cet effritement. La question des droits d’auteurs est également centrale, notamment les droits proportionnels aux ventes, dont le très faible niveau serait à réévaluer. »

 

Propos recueillis par Laurent Cauville, avec Nathalie Delanoue et Christelle Tophin / aprim

 

Lire l’intégralité du dossier Domaines étrangers publié dans Perluète #03

 

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[Questions à…] Christian Cler pour le dossier « Domaines étrangers »