Autrice de livres enfance-jeunesse, elle a participé en juin dernier à un atelier organisé à Caen dans le cadre de la démarche « Le livre en chantier ».
« L’écran devient le lieu des premières expériences d’écriture »
Pensez-vous que nous sommes en période de grandes mutations sur les pratiques de lecture ?
« Je vois effectivement les choses bouger même en littérature jeunesse, mais on reste sur une forme de continuité, aussi le défi de faire aimer la lecture aux enfants ne date pas d’aujourd’hui. En ce moment, les supports évoluent. Beaucoup d’adolescents lisent sur smartphone et de nouveaux genres apparaissent comme le webtoon (BD en ligne), dont la lecture se fait en scrollant. L’image et le texte se composent au fil de ce défilement. Ces nouveaux formats sont intéressants. »
Craignez-vous un bouleversement pour la filière ?
« Je pense surtout que les nouveaux usages, les nouveaux supports, peuvent faire émerger un nouveau modèle qui prenne davantage l’auteur en compte, ce qui serait une très bonne nouvelle. Mon fils de 22 ans lit beaucoup de mangas en mode connecté et cette technologie lui permet de payer directement l’auteur grâce à un système de tips. C’est une alternative à la dépendance aux éditeurs encore trop forte en France. »
Ces mutations de supports et de pratiques peuvent-elles bousculer les activités ?
« Oui, mais ce n’est pas nouveau en soi. La littérature doit refléter son époque. Les métiers sont amenés à évoluer, y compris ceux de la filière livre, l’histoire l’a montré. Oui l’inquiétude est palpable dans la filière, mais nous vivons de toute façon dans une société de l’inquiétude ou globalement tout le monde a peur d’être remplacé. Il faut voir aussi comment les progrès peuvent nous servir. Je crois que même ChatGPT peut aider à construire des intrigues, peut être un outil intéressant pour les auteurs… »
Les écrans nuisent-ils à la concentration et à l’idée d’évasion par la lecture ?
« Je ne sais pas si c’est si nouveau. J’ai toujours fonctionné un peu comme ça, à passer d’une chose à l’autre, alors que j’ai 44 ans. Par contre, quand je lis c’est aussi pour échapper aux écrans. Je promène mes livres en vacances.
Je crois que l’écran n’empêche ni la lecture, ni l’écriture d’ailleurs. La génération « Insta » et autres réseaux sociaux pratique l’écriture, sous des formes souvent nouvelles. L’écran est devenu le lieu des premières expériences d’écriture. Moi-même j’ai fait mes premières armes d’écriture sur un forum d’enseignants. »
Vous n’avez pas peur que la lecture soit menacée ?
« Que nos enfants ne lisent pas les mêmes choses que nous et que la langue évolue, je trouve ça normal et sain. Je ne vois absolument pas la lecture disparaître. Je fais plutôt confiance aux prochaines générations pour faire émerger des choses très intéressantes. Pas sûr que la notion de lecture soit totalement bouleversée dans les années à venir. La photo n’a pas remplacé la peinture. L’art s’enrichit, évolue, mais demeure aussi. »
Propos recueillis par aprim
Alice Brière-Haquet a été interviewée pour le dossier «Le livre en chantier».
Lire l’intégralité du dossier «Le livre en chantier».» publié dans Perluète #14
Retrouvez les interviews des autres acteurs du dossier in extenso :