« En six ans, notre activité s’est développée »
« La poésie a le vent en poupe. Après des années de dénigrement, la reléguant au bas de l’échelle des arts ou la traitant comme un objet purement décoratif, la voilà qui refait surface avec une jeunesse et une vigueur renouvelée. Imprimée dans un livre ou incarnée sur une scène, elle touche désormais un nouveau public en quête de sens et s’éloignant des sirènes de la société du spectacle.
Je note un rajeunissement global du genre. Il s’illustre par de nouvelles formes, notamment vers le performatif, le « spoken words », par une présence accrue de la poésie dans l’oralité et une énergie de l’édition.
« Une maison de poésie ? »
« À la création de La Factorie, à Val-de-Reuil, on a pu sentir un certain scepticisme sur le projet. On peut être encore perçu comme quelque chose de décoratif, mais les enjeux autour de l’alphabétisation et de la lecture à voix haute remettent la poésie au cœur de nombreux projets éducatifs. On s’est aussi rendu compte qu’on était peut-être un peu en retard en France sur le sujet, par rapport à la Belgique, le Canada ou les Etats-Unis, où la poésie revient en force. L’imaginaire est fondamental, et dans un monde qui perd cet imaginaire, la poésie est un contrepoids.
En six ans, notre activité s’est développée, preuve que les attentes du public sont réelles et que les poètes ont besoin de lieux pour créer, se retrouver, se produire… Beaucoup pensent que la poésie est difficile d’accès, mais une fois venus ici, leur regard change. C’est du partage et du plaisir. C’est la même chose avec les scolaires. En janvier dernier, pour la quatrième édition du festival « Les poètes n’hibernent pas », nous avons touché 45 classes. A chaque fois les enfants sont ravis, ils découvrent que l’auteur est un humain, que la poésie a un côté ludique, que c’est un jeu. Pour les enseignants, c’est rassurant aussi de pouvoir s’appuyer sur une structure comme la nôtre pour monter des projets avec les enfants.
Il faut défendre un côté plus joyeux de la poésie, je crois qu’on en a encore peur ici en France.
« Pertinent sur les territoires »
Ici, la fréquentation est devenue importante. On dénombre 27 poètes en résidence d’écriture sur la saison 2021-2022. Nous sommes à la limite de notre capacité, mais nous développons des partenariats avec d’autres lieux, à Régneville-sur-Mer, au Québec, au Foyer des marins de Rouen, avec la future Maison de poésie de la Manche…
Beaucoup de compagnies et de poètes en résidence présentent leur travail à la Factorie, une fois par mois en moyenne. Ce type de lieu est pertinent sur les territoires, c’est souple, partageur, assez simple à mettre en place finalement. »
Propos recueillis par aprim