La poésie se vit sans doute en termes d’audience pour celles et ceux qui la méprisent

Alexis Pelletier dépasse l’écriture seule et emmène volontiers sa poésie vers les arts plastiques, la danse et la musique contemporaine. Avec le compositeur Dominique Lemaître, il a mis sur pied des « Concerts poétiques », accompagne des expositions et collabore avec des chorégraphes.

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« Le fait de travailler avec des danseurs et danseuses, avec des musiciennes et des musiciens qui composent ou qui interprètent ce qui est joué ; avec des plasticiennes et plasticiens, avec des comédiennes et comédiens, etc., permet d’aller vers l’autre, de découvrir d’autres univers et, ainsi, de remettre en cause habitudes et certitudes. Ce sont des expériences très enrichissantes, y compris dans les hiatus que des esthétiques immanquablement différentes peuvent produire. Cela conduit, pour moi, à perdre pied dans la langue. Et surtout à quitter une attitude qui peut être trop asservie à ce qui est uniquement rationnel. Quand un compositeur comme Dominique Lemaître me dit qu’il faut un texte pour tels instruments ou bien qu’il souhaite que je mette les mots que je veux sur une partition déjà composée, c’est toujours quelque chose de neuf. La contrainte fait que les mots peut-être acquièrent une présence physique encore plus grande. C’est pour moi salutaire. Je suis friand de ces rencontre et prêt… à étudier toutes les propositions ! 

 

L’audience d’un poète qui résiste (…) est foncièrement plus limitée

L’audience d’un poète qui résiste, pour des raisons politiques, à une bonne partie des industries polluantes tant intellectuellement qu’écologiquement de la communication moderne, est foncièrement plus limitée encore que celles et ceux qui cèdent à la mascarade des likes. Chaque concert, chaque occasion de faire des livres avec un musicien, un plasticien, une plasticienne, une musicienne etc. et chaque manifestation qui peut accompagner ces rencontres permettent des rencontrer des gens qu’on ne connaît pas. Celles et ceux qui viennent me parler ensuite ou qui m’écrivent, bien sûr je ne les aurai pas rencontrés sans ces occasions. 

La poésie se vit sans doute en termes d’audience pour celles et ceux qui la méprisent : les rencontres physiques avec un nouveau lecteur, une nouvelle lectrice qui vous dit que ce qui a été dit, écrit ou montré a fait mouche, ce sont des moments de joie, des cadeaux qui viennent toujours en plus du travail qui a été fait. Une lecture au milieu de vignes, en Bourgogne, à Irancy ; un poème dansé à Cerisy pour un colloque sur le commun ; des créations avec le Festival Terres de Paroles sont autant de chances qui doivent – mais je ne sais pas mesurer comment – relancer l’énergie du travail de l’écriture. »

Propos recueillis par aprim

[Entretien] Alexis Pelletier, auteur de poésie