Avec la poésie, on peut tout se permettre
Yohann Le forestier, alias Yo du milieu, mêle poésie et slam avec les arts de la rue et le théâtre. Il transmet à travers des ateliers d’écriture ou vocaux. Avec son personnage de Mr PassdeMoiLeMot, il s’installe dans la rue à la manière d’un crieur, rémouleur de mots. Il collecte et restitue « avec gouaille, emphase et amour » les mots des gens.
« Je me considère comme un diseur de mots. J’aime les dire, les faire sonner. Le slam descend d’une forme de littérature orale, à la croisée du conte, de la joute verbale et de la poésie. J’aime la musique des mots, le rythme, quand le son fait sens.
Avec la poésie, on peut tout se permettre. Mes publics sont souvent fâchés avec l’école, les règles, le papier et le crayon. Une pratique sonore, rythmique et musicale est un excellent vecteur de lien avec les mots. Ils se retrouvent souvent à faire de la poésie à la Jourdain, sans le savoir. Je leur dis que faire de la poésie ce n’est pas grave, que ça ne fait pas mal.
Quand on me qualifie de poète, aujourd’hui ça va, mais il m’a fallu du temps pour l’accepter. Je préférais le mot « slameur », aujourd’hui, je l’assume. J’ai compris que la poésie s’inscrit dans plein de formats différents, toujours avec un minimum de contraintes, par exemple le nombre de pieds, le fait de s’adapter à une musique… C’est comme les impros en jazz, c’est une liberté qui doit rester sur des rails.
San Antonio, Bobby Lapointe… et j’ai découvert ce qu’on pouvait faire avec les mots
J’aime mettre une dimension artisanale dans la poésie et le slam. Ce côté « fait à la main », directement du producteur au consommateur. Au-delà de la question de l’esthétique et du résultat, c’est un rapport au travail qui m’intéresse. C’est là qu’est la liberté, dans la façon de pratiquer, choisir ses conditions de travail.
Je n’ai pas baigné dans les livres enfant. Je n’ai pas rencontré le prof de français qui m’a fait flasher. Tout est parti d’un copain qui un jour m’a tendu un San Antonio, puis le rap, puis Gainsbourg, puis Bobby Lapointe… Et j’ai découvert ce qu’on pouvait faire avec les mots.
Avec les publics, les premiers jeux d’écriture c’est quelque chose de collectif, de partagé. C’est un préalable avant que chacun se livre davantage avec ses tripes. Ces moments de partage ont tendance à changer leur regard sur les mots. Et parfois je recroise des jeunes hors cadre, qui ont pris le virus. La rencontre s’est faite. »
Propos recueillis par aprim