Sophie Le Goïc a été interviewée pour le dossier « Bonnes nouvelles pour l’écriture ».
« L’acte d’écrire peut susciter le désir de lire »
Professeur de lettres à Alençon (lycée Leclerc-Navarre), Sophie Le Goïc a participé au concours avec une classe de seconde en 2017 dont trois élèves ont été primés : prix de la nouvelle lycéenne, mention spéciale du jury et meilleure intrigue.
Quel bilan tirez-vous de votre participation ?
« Je crois profondément qu’on peut susciter le désir de lire par l’acte d’écrire. Participer au concours m’a permis d’atteindre cet objectif, mais plus encore. Par exemple, le dispositif prévoit de rencontrer un auteur, et c’est très incitatif. Mes élèves ont beaucoup apprécié l’échange avec l’écrivain Jean-Baptiste Andrea. Ils ont pris conscience qu’un écrivain n’est pas seulement un artiste un peu éthéré, mais aussi un artisan et un citoyen, quelqu’un du réel, une personne engagée… Ils ont vu aussi qu’écrire, c’est du travail, qu’un auteur s’y reprend à plusieurs fois, et que ce travail peut générer du plaisir…
Finalement, ce concours a été un stimulant extraordinaire. Avant la venue de Jean-Baptiste Andrea, j’ai organisé un thé littéraire pour distribuer les livres : un exemplaire était en effet offert à chaque élève. Un moment précieux, où le contact avec l’objet - livre a pu être valorisé. Plus tard, quand les nouvelles des élèves ont commencé à prendre forme, nous avons fait des lectures à voix haute. C’est un temps où le texte peut prendre une autre dimension, et qui a pu nourrir des échanges critiques bienveillants. Là encore, une belle expérience.
Était-ce aussi une expérience humaine pour vous et les élèves ?
Oui, il ne faut pas voir que l’objet pédagogique dans ce type de concours. J’ai l’habitude d’embarquer mes élèves sur des projets pédagogiques engageants, mais ce concours m’a marqué dans sa dimension humaine. C’est une expérience qui m’a rapprochée de mes élèves. D’ailleurs, pour beaucoup d’entre-eux aussi l’expérience a été marquante. J’ai par exemple en tête une élève dont la nouvelle s’est inspirée de ses difficultés relationnelles familiales. Écrire là-dessus a permis de débloquer des choses, de libérer un peu la parole chez elle.
Le projet a-t-il été un déclic vers l’écriture pour certains ?
Oui, et pourtant cette classe était semblable a beaucoup d’autres, pas plus douée qu’une autre, avec une grande variété de profils et de niveaux. Tout le monde s’est pris au jeu et a livré un texte. Personne n’est resté sur le carreau. Pour certains, l’expérience a effectivement servi de déclic, ou pour continuer à écrire ou pour s’orienter vers une filière littéraire. Mais il faut garder en tête que beaucoup de lycéens écrivent, je le constate depuis 22 ans que j’enseigne. Ils écrivent dans leur coin, certains des nouvelles ou de la poésie, d’autres un journal intime, ou un blog créatif. Mais ils en parlent peu, sans doute parce qu’ils se sentent jugés dans le cadre de l’institution scolaire. »
Propos recueillis par aprim
Sophie Le Goïc a été interviewée pour le dossier « Bonnes nouvelles pour l’écriture ».
Lire l’intégralité du dossier « Bonnes nouvelles pour l’écriture » publié dans Perluète #06 / Janvier 2021
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