Quelle était votre motivation de départ ?
« Je recherchais une forme de contrainte. Avant ce master je suivais des ateliers d’écriture depuis de nombreuses années. Classe prépa littéraire spécialisée théâtre, L3 Théâtre à la Sorbonne, puis une année de césure entre petits métiers en librairie et dans le milieu du théâtre et participation à des ateliers d’écriture. Je recherchais un parcours axé sur un vrai projet littéraire, suivi, accompagné sans être formaté, et avec des gens de ma génération avec l’ambition de créer. Je voulais entrer dans un processus quasi-scientifique autour de ma propre écriture, avec au bout la finalisation d’un objet littéraire.
Vous écriviez beaucoup auparavant ?
Oui. J’ai écrit longtemps, j’ai des vieux carnets de poésie plein de textes horribles. J’ai écrit des journaux intimes, des nouvelles, puis des petites pièces de théâtre, avant de songer à écrire un livre. Ce besoin était présent quand j’ai commencé ce master, et j’avais déjà en tête le sujet de ce qui est devenu mon livre.
En quoi ces deux années ont accéléré votre processus créatif / fait évoluer votre projet ?
J’avais une idée de l’ambiance générale, un tableau imagé en tête qui a évolué. Mais mon tableau intime est resté.
C’est un cheminement plus qu’un accélérateur.
On n’accélère pas notre écriture avec ce master. Ce qui est intéressant c’est de s’inscrire dans une limite de temps imposée. Notre travail est de trouver notre place dans ce cadre-là. On est en immersion pendant deux ans. Le fait de partager ce parcours avec d’autres, de former un groupe, de s’entraider, de ne pas être seul est essentiel.
Pour un premier projet d’écriture, deux ans me semblent la bonne mesure.
Comment décririez-vous le rôle de l’écrivain référent ?
Pour moi l’écriture n’est pas un processus solitaire. C’est important d’avoir autour de soi des regards qui savent commenter, analyser. Chaque référent a une relation particulière avec un étudiant, selon le rythme ou l’état d’esprit de l’étudiant. Il n’applique aucune méthode. Avec mon référent j’envoyais l’état de mon projet tous les 6-7 mois, pas plus. C’était mon rythme. Je décidais de la temporalité. Pas une relation d’élève à correcteur, ni d’auteur à éditeur.
En quoi êtes-vous différente ?
Pour moi le silence qu’il y a autour de l’écriture n’est plus le même qu’avant. J’ai plus d’expérience et je sais où je vais maintenant. Je me pose moins la question de savoir si mon texte va fonctionner ou pas.
Un moteur pour découvrir son style ou explorer d’autres styles ?
Les workshops sont des moments très instructifs. C’est sur trois jours, on est dans une sorte d’urgence qui nous libère du souci de perfection, nous permet d’accepter la faille, la faiblesse. On fonce. Ce sont des moments assez beaux, même si on n’est jamais satisfait. Ça nous apprend beaucoup à y aller, se confronter à sa propre écriture, de foncer dedans et seulement ensuite de la travailler, sans schéma de perfection souvent effrayant.
Mon style, mon écriture, ont fortement évolué et je sens que ça continue d’évoluer. J’ai pris conscience que cette évolution est perpétuelle, que tant qu’on écrit on évolue. Avec cette formation, j’ai désacralisé la notion de chef d’œuvre. Si on rate un texte, rien de grave on continue, le prochain sera meilleur.
Pour vous, finalement c’était un tremplin ?
Tout est allé très vite. Ça a « matché » avec mon éditeur dès la fin de mon master.
Le fait d’avoir fait ce master a accéléré la mise en relation, favorisé la relation avec mon futur éditeur, parce qu’il a rapidement entendu parler de mon texte.
Ce master suscite-t-il un regard bienveillant des éditeurs ?
Non, je ne crois pas. Ça ne va pas provoquer la publication ou la rencontre humaine. Je me rends compte que c’est mon texte qui a intéressé mon éditeur, pas mon parcours.
La suite ?
L’année a été un peu folle mais j’ai réussi à trouver du temps pour créer les prémices d’un nouveau texte que j’essaie d’écrire. Je vais également reprendre le chemin d’ateliers d’écriture, mais c’est moi qui les animerai désormais et retourner vers le théâtre. Entre tout ça il faudra que je réserve du temps à l’écriture du deuxième livre. Je me donne un an pour établir un canevas abouti.
Ce master a aussi été une rencontre avec le Havre ?
Ça compte. Je crois que je serais partie de Paris de toute manière, master ou pas. En arrivant au Havre, j’ai compris que j’allais y rester. Cette ville est fascinante, la mer, les falaises, la forêt… Une ville où il y a de la place pour la mutation. Je n’écris qu’au Havre, je ne peux pas ailleurs. »