La poésie en guise de survie
Pierre Le Coz revient avec une fiction en forme de méditation poétique sur le monde qui nous entoure.
« Il y avait eu autrefois des hauts faits et des chansons, des récits et des légendes. Mais qu’en était-il resté ? Rien qu’un trou dans la muraille des heures : cette faille percée par les mots dans l’enveloppe du monde. C’est à ce puits qu’il se penchait désormais, cherchant dans le temps, du haut des balcons du crépuscule, une réponse à sa souriante inquiétude – une parole pour conjurer la détresse. »
Pierre Le Coz donne le ton dès les premières pages. Les Clandestins du jour, récit philosophique et poétique, serait-il la quintessence de l’œuvre considérable qui l’a précédée, à savoir L’Europe et la profondeur, neuf volumes aux nouvelles éditions Loubatière, dans lesquels l’auteur s’élève et combat contre toutes les tentatives d’enfermement qui gênent le déploiement de la vie ? La poésie n’est-elle pas cet objet littéraire irréductible ?
Si le narrateur se situe dans la position de l’observateur, il emprunte au mitan du texte un « je » qui l’unit brièvement au personnage masculin qu’il suit dans ses pérégrinations. Partout le décor est cette pièce de monnaie aux deux faces indissociables : lumière écrasante, qui s’efface quand le crépuscule nous plongera dans le noir complet ; chaleur étouffante de la ville et fraîcheur du village de montagne ; bruit incessant du tourbillon urbain, maison abandonnée et silencieuse. Pierre Le Coz nous dit « en poésie » l’importance et l’indispensable complémentarité de ces deux faces du monde, il nous encourage à prendre à bras-le-corps cette économie de l’abondance, non comme une opposition dialectique, mais comme la véritable nourriture de l’existence.
C’est aussi le labyrinthe d’un monde globalisé dont certains aimeraient nous persuader qu’il est inéluctable. Fugue poétique, ce qui nous est proposé est une manière de s’en échapper, en jouissant de chaque espace et de chaque moment. Un carpe diem en réponse au labyrinthe obligatoire.
" Elle sut alors clairement que si elle le quittait un jour ce ne serait pas par ennui ou désamour, mais pour lui épargner cette vision qu’elle avait eue et qui à présent la dévorait de l’intérieur – ce serait pour le laisser libre d’aller sur le chemin qu’il s’était tracé depuis toujours. "
Ce texte magnifique est jalonné de multiples questions, un vademecum réflexif, un usage du monde pour une liberté absolue, dans lequel l’écriture est à la fois une matière et une manière d’être.
Dominique Panchèvre
Les Clandestins du jour - Pierre Le Coz, Le Soupirail, 2018
Ecouter la chronique audio réalisée par la radio RCF
Emission Un livre un jour
Diffusée le mardi 18 décembre 2018