« Une prise de conscience collective est enclenchée dans une partie du public »
Référente Développement Durable pour le réseau des bibliothèques de Rouen (2020-2022) et pour la la médiathèque départementale de Seine Maritime (depuis 2022), membre de la commission Bibliothèques Vertes de l’ABF.
Comment a démarré votre implication professionnelle pour l’écologie du livre ?
« De 2019 à 2023, j’ai été responsable de la bibliothèque des Capucins à Rouen et j’ai été la première référente développement durable, pour le réseau des sept bibliothèques de la Ville. À l’époque, cette fonction n’existait pas à Rouen. J’occupe aujourd’hui la même fonction pour la médiathèque de Seine-Maritime.
Il y avait à l’époque beaucoup à faire sur la mission. Au-delà de créer une grainothèque ou une bouturothèque, un groupe de travail a engagé une vraie réflexion sur ces questions au niveau du réseau. Pour garantir une pérennité à ce travail, des objectifs écoresponsables ont été intégrés à la fiche de poste.
À l’époque, était-ce une démarche d’avant-garde ?
Le fait d’identifier un référent développement durable a été une première avancée et spécificité de la bibliothèque des Capucins. Encore peu d’établissements je crois l’ont fait. En revanche, les actions se développent de plus en plus et les initiatives affluent. Par exemple, la médiathèque Sequoïa de Maromme accueille une ruche, beaucoup font de la sensibilisation à la biodiversité… La nouveauté à Rouen a été de formaliser une démarche et d’informer les publics sur ce qui est fait.
Du travail reste à faire, notamment pour faire prendre conscience aux professionnels dans les bibliothèques qu’ils font déjà du développement durable au quotidien, déjà dans la dimension sociale, qui est au cœur de nos missions.
Que faites-vous concrètement aujourd’hui à la médiathèque départementale ?
Je vais former l’équipe de la médiathèque départementale au développement durable. L’idée est de pouvoir réfléchir ensemble aux actions à mettre en place et que ça ruisselle sur tout le réseau (environ 250 bibliothèques).
Je vais aussi former les professionnels du réseau, en leur donnant des clés d’actions, car même avec peu de moyens on peut faire beaucoup. Comment sensibiliser le public ? Trouver des partenaires ? Est-ce que je couvre mes livres ? …
Le public est-il en attente ?
Oui, une prise de conscience collective est enclenchée dans une partie du public. Ensuite, plus on propose, plus le public suit, il y a un effet boule de neige. Quand on propose une grainothèque ou une bouturothèque en bibliothèque, on n’est pas forcément attendu sur ce terrain-là. Mais quand l’offre est là, ça marche. On le constate avec les animations, par exemple avec les ateliers « Do It Yourself ». Aujourd’hui, beaucoup d’établissements proposent des ateliers couture, cosmétique responsable, ou autres… À travers ce type d’activités, on éveille la sensibilité à d’autres pratiques, on valorise le fonds documentaire, on peut faire venir un intervenant… Ce genre d’animation permet d’activer plusieurs axes en même temps.
Le public n’est pas forcément demandeur à la base, mais souvent il adhère.
La bibliodiversité est aussi une mission forte des bibliothèques…
Oui, ça l’a toujours été. En bibliothèque, on réfléchit à sa politique d’achat. Mais aujourd’hui, on peut aller plus loin en identifiant les éditeurs engagés, en étant vigilant à la fabrication des ouvrages, au papier utilisé… Les réflexes et la connaissance ne sont pas encore très répandus sur le sujet dans les bibliothèques. Ça fait partie des choses que je souhaite aborder dans mes interventions de formation.
Ce qui est sûr c’est qu’on ne peut pas appliquer aveuglément des critères rédhibitoires. Par exemple, je connais des maisons d’édition d’une très grande exigence éditoriale, dont les contenus sont remarquables, et qui, tout en s’assurant du respect du droit et des conditions de travail, font imprimer à l’étranger, pour des raisons de coûts. On ne va pas les bannir. C’est grâce à ces bas coûts qu’elles peuvent proposer des contenus de qualité. Tout est question de dosage. »
Propos recueillis par aprim
Maryon Le Nagard a été interviewée pour le dossier «Vers une écologie du livre ?».
Lire l’intégralité du dossier «Vers une écologie du livre ?» publié dans Perluète #13
Retrouvez les interviews des autres acteurs du dossier in extenso :
- Marion Cazy, chargée de projets écologie du livre et événementiel à Normandie Livre & Lecture
- Francis-Luc Merelo de l’imprimerie IROPA
- Julie Pommier : "Édifice repense son métier d'éditeur"
- Cécile Lavoisier-Mouillac et sa librairie itinérante
- Marin Schaffner, co-fondateur de l’association pour l’écologie du livre