Quand la Villa La Brugère résiste au confinement
Lorsque la mesure de confinement est annoncée, le 17 mars 2020, c’est un choc pour les lieux de résidences normands. Les actions culturelles sont annulées et la plupart des porteurs de résidence se voient contraints de fermer leurs portes jusqu’à la fin du confinement voire jusqu’à l’été. Mais voilà, le 17 mars, la résidence de Sandra Lucbert est en cours à la Villa La Brugère. Alors, l’association qui gère la Villa et sa responsable, Marie-Thérèse Champesme, décident de maintenir cette résidence malgré tout.
Normandie Livre & Lecture revient sur l’incroyable adaptation de la Villa La Brugère avec le témoignage de Marie-Thérèse Champesme.
Quand la mesure de confinement est annoncée, comment réagissez-vous ?
M-T.C : Le programme était fixé. Avec l’association, nous avons décidé de maintenir l’accueil des auteurs. C’était une belle partie de Tetris car il fallait jongler avec les dates mais toutes les résidences ont été maintenues pour la durée prévue à quelques jours près, à part celle de Sandra Lucbert qui, au lieu de deux séjours d’un mois, est restée deux mois et demi consécutifs, confinée en résidence ! Les séjours de Rachel Simonin (du 14 au 30 mai), de Xavier Pinon et de Fabienne Yvert (du 1er au 14 juin) se sont déroulés normalement. Quant à Marie Nimier, elle a décidé de scinder son séjour en deux parties.
Nous avons également adapté les règles en interne pour permettre aux auteurs en résidence, notamment Sandra Lucbert, d’avoir accès à plus d’espaces à l’intérieur de la maison. Notre tâche était beaucoup plus facile que pour d’autres lieux de résidence car nous n’accueillons jamais plusieurs artistes à la fois, sauf lorsqu’ils travaillent sur un projet commun.
D’un point de vue pratique, nous nous sommes adaptés aux règles sanitaires et les auteurs ont pu venir grâce à leur convention avec la Villa : c’était comme un contrat de travail et personne n’a eu de souci.
Quel impact cette mesure a eu sur l’organisation des rencontres ?
M-T.C : Les rencontres prévues ont évidemment été annulées et nous avons cherché le moyen de les remplacer, pour maintenir le contact avec le public et donner aux auteur.e.s les rémunérations prévues.
Les rencontres virtuelles, une bonne idée dans le cadre d’une résidence ?
M-T.C : Pendant le confinement, il y a eu un effet de submersion de rencontres et annonces en ligne. Je ne suis pas sûre que la visio-conférence ou les activités virtuelles soient les seules solutions et surtout elles étaient difficiles à mettre en place dans un village où la connexion Internet n’est pas toujours excellente… Nous n’avons pas fait de rencontres virtuelles en live mais nous avons mis en ligne un nouveau site Internet (villalabrugere.fr), beaucoup plus complet que le précédent avec des photos, des vidéos et des textes, notamment certains textes écrits par Sandra Lucbert pendant son séjour. Et pour certaines rencontres, nous avons inventé d’autres formes que celles prévues.
Des solutions logistiques ont dû être trouvées rapidement, lesquelles ? Et comment les avez-vous organisées ?
M-T.C : Xavier Pinon, photographe et réalisateur, et Fabienne Yvert, auteure et artiste, accueillis du 1er au 14 juin 2020, étaient en résidence pour réaliser des « paysages textuels » : ils écrivaient dans le paysage et faisaient des photos de ces installations éphémères. Un soir, ils ont réuni sur la plage quelques Arromanchais fraîchement déconfinés et leur ont donné des lampes puissantes avec lesquelles écrire dans l’espace. Une longue pose photographique a permis d’enregistrer l’image de ces textes dans le paysage. Nous étions un petit nombre et en plein air, ce qui nous permettait de respecter les consignes sanitaires.
Quant à Marie Nimier, accueillie en résidence du 15 au 23 juin, elle devait à l’origine réaliser des rencontres physiques pour recueillir des confidences dont elle s’inspirera pour un prochain livre. Elle l’a fait par téléphone. Sur notre site Internet nous avons diffusé une vidéo où elle présente son projet et mis en place un calendrier permettant aux personnes intéressées de prendre rendez-vous avec elle.
Quel est le ressenti des auteurs pendant et post confinement ?
M-T. C : Pendant le confinement, nous avons tout mis en œuvre pour que Sandra se sente à l’aise pour se consacrer à son projet et la situation n’a pas semblé la perturber dans son écriture (lire l’interview de Sandra Lucbert).
Post-confinement, l’envie d’être accueilli en résidence des auteurs est toujours là malgré quelques hésitations. Nous nous adaptons aux auteurs qui souhaitent venir accompagnés ou moduler leurs dates de résidence.
Et pour la suite ?
M-T.C : Nous ferons les prochaines rencontres à la salle des fêtes d’Arromanches pour avoir une salle plus vaste. Des rencontres seront organisées à l’automne, parfois avec plusieurs auteur.e.s. Et le programme de résidences est maintenu.«
Propos recueillis par Alice Ginsberg