Agneta Ségol a été interviewée pour le dossier « Climats polaires ».
Vous pouvez lire ci-dessous l’interview complète.
« Encore beaucoup d’écrivains à découvrir »
Agneta Ségol Elle a traduit environ 70 titres d’auteurs suédois, parmi lesquels des romans d’Astrid Lindgren, de Henning Mankell, de Stefan Casta, de Håkan Nesser ou de Tove Jansson. Elle invite à dépasser le polar pour découvrir d’autres auteurs.
Pensez-vous que la littérature nordique soit suffisamment connue en France ?
« Certainement pas, mais depuis quelques années, elle s’est fait une belle place. C’est encore plus vrai en Normandie, grâce notamment au département nordique de l’université de Caen, au festival Les Boréales et à l’association Confluences nordiques. Mais il reste encore beaucoup d’écrivains et d’œuvres à découvrir. »
Que vous inspire la prédominance du genre « polar » dans les librairies ?
« Cet engouement est un drôle de phénomène, qui fait sans cesse naître de nouvelles vocations. Je suis ravie pour les polars, dont la plupart méritent leur succès, et je comprends très bien la passion des lecteurs. Je me souviens de mon enthousiasme à la lecture de Roseanna, le premier volume de la série Roman d’un crime, du couple Sjöwall-Wahlöö, qui a jeté les bases d’un genre nouveau : le roman policier critique, politique et socialement engagé. »
Le polar a-t-il joué un rôle d’accélérateur ?
« Oui, très probablement, mais je pense que son succès est aussi au détriment d’autres genres littéraires. Il faudrait que les lecteurs contournent parfois les rayons « polar » pour trouver d’autres trésors. Je regrette qu’un auteur tel que Henning Mankell soit surtout connu en France en tant qu’auteur de polars, alors que sa production est tellement plus riche. Il ne faut pas oublier son théâtre, sa « littérature blanche » (notamment Les Chaussures italiennes et Comédia infantil), ses livres jeunesse (Le Roman de Sofia, et sa trilogie sur Joel Gustafsson). »
La production nordique est-elle bien plus variée qu’on le croit ?
« Je limiterai ma réponse à la Suède, où nous avons une auteure de romans graphiques extraordinaire, Liv Strömquist, aux œuvres politiquement engagées. La poésie occupe aussi une place importante dans le pays. Il ne faut pas passer à côté de Tomas Tranströmer, Prix Nobel de littérature en 2011, traduit en français par Jacques Outin. J’espère que la France aura bientôt accès aux poèmes de Kristina Lugn, disparue cette année. Je tiens aussi à mentionner Ædnan (Sápmi-épopée) de Linnea Axelsson, un poème de 800 pages qui retrace l’histoire moderne du peuple Sámi du XXe siècle à aujourd’hui.
Très intéressants sont aussi de jeunes auteurs qui ont dans leurs bagages plusieurs langues, plusieurs cultures, qui jettent un nouveau regard sur notre langue et notre culture : Jonas Hassan Khemiri, Johannes Anyuru, Sami Said. Et il ne faut pas oublier la littérature jeunesse, particulièrement riche en Suède. »
Propos recueillis par Philippe Legueltel