Éric Boury, Björn Larsson, Christian Bank Pedersen, Mylène Bouchardet Laurent Martin ont été interviewés pour le dossier « Boréales, Années lumières » de Perluète #11.
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Éric Boury - Traducteur d’auteurs islandais, parmi lesquels Jón Kalman Stefánsson ou Indriðason
« Les Boréales ont accéléré ma carrière de traducteur »
« J’ai connu Les Boréales à leur début il y a 30 ans, j’étais encore étudiant. L’élargissement du festival à d’autres disciplines que la littérature a contribué à son audience et à en faire un événement incontournable des littératures nordiques et baltes. C’est un rendez-vous très très très important, aujourd’hui avec une vraie dimension internationale, connu dans tous les pays européens où je me rends.
Au fil du temps, Les Boréales ont contribué à créer un public normand sensible à la littérature nordique. Un public de connaisseurs. Beaucoup de gens lisent des auteurs nordiques en Normandie, on le remarque si on voyage en France. Sur ce plan, le travail fait par Les Boréales a laissé des traces. L’offre en librairie en Normandie s’en ressent, avec parfois des rayons dédiés et des libraires bien informés. À la FNAC de Créteil ou de Bourges, les livres de Houellebecq arrivent par palettes mais on ne trouve pas le dernier Jón Kalman Stefánsson… Ça aussi, c’est propre à notre région et c’est un héritage des Boréales. »
« Un lien fort avec l’Islande »
« Par rapport à l’Islande, pays nordique dont je suis le plus proche, le festival a creusé un vrai sillon et accentué le lien. Il faut savoir que les Islandais nous considèrent comme leurs cousins. Le festival consolide ce lien. Les Boréales, c’est aussi un espace de rencontres, un rendez-vous pour les éditeurs, les auteurs, un temps de partage qui permet de faire connaissance. »
Grâce à lui, ma carrière de traducteur s’est accélérée. Je crois qu’avant Les Boréales, la littérature islandaise n’existait pas vraiment en France. Et puis j’ai traduit « La Cité des Jarres », premier succès d’Indriðason en France, présenté aux Boréales, et tout s’est accéléré. Depuis je n’ai plus de vraies vacances…
C’est là aussi, par exemple, que j’ai rencontré Laure Leroy, directrice de la maison Zulma, avec laquelle j’ai pu travailler par la suite. Pour beaucoup d’auteurs que j’ai traduits, il a joué ce rôle d’accélérateur, leur a permis de se faire connaître en France.
La tonalité pluridisciplinaire des Boréales en fait aussi un événement vraiment à part. »
Björn Larsson - Écrivain suédois auteur (entre autres) du Cercle Celtique et de Long John Silver. Professeur titulaire de littérature française à l'Université de Lund, en Suède.
« Un festival sincèrement ouvert sur l’étranger »
« Je suis toujours heureux de participer au festival Les Boréales. J’y suis venu au moins cinq fois et j’éprouve toujours un peu de nostalgie quand je ne suis pas sur la liste des invités. J’y suis venu pour la première fois en 1994, pour la sortie du Cercle Celtique, mon premier roman publié en France. Cette année a été importante, elle a marqué le début de ma reconnaissance en France.
Pour moi qui suis un écrivain francophone, et qui ai vécu en Bretagne, être invité aux Boréales ou aux Etonnants Voyageurs, c’était comme une fête. Les grands salons du livre, comme à Paris, sont de gigantesques librairies. Avec Les Boréales, on peut vraiment parler de rencontres, à la fois avec d’autres auteurs nordiques, mais aussi avec un public averti, pas trop pressant, et qui a appris d’année en année. »
« Une dimension fraternelle »
« Les Boréales ont joué un rôle d’accélérateur de carrière, pas seulement pour moi, pour d’autres aussi. Les grandes maisons d’éditions en France le savent. Pour elles, Les Boréales sont de ces festivals qui comptent, parce qu’ils sont réellement, sincèrement ouverts sur l’étranger, l’extérieur. De ces festivals qui ont su cultiver une grande indépendance et une forte personnalité.
Et puis il y a aux Boréales une dimension fraternelle. Ce festival m’a permis de faire la connaissance de beaucoup de Caennais. Je suis allé dans des écoles, j’ai dîné dans des familles… Et je ne parle pas des bénévoles, qui vous accueillent, vous guident, vous conduisent en voiture et qu’on retrouve d’année en année.
Enfin, ce festival m’a aussi donné l’opportunité d’écrire à l’IMEC, lors d’une résidence d’un mois, il y a quelques années. Pour un auteur, ça compte. »
Christian Bank Pedersen - Maître de conférences, directeur du Département d'études nordiques, Université de Caen Normandie
« Un destin commun avec l’Université »
Quel est le lien entre les Boréales et l’Université de Caen ?
« Pour Caen et toute la région, abriter le festival Les Boréales offre des retombées concrètes, c’est une chance. Pour ce qui nous concerne, l’échange est constant entre notre Département d’études nordiques et Les Boréales. Ce travail de proximité nous permet, par exemple, d’organiser depuis 2015 « Novembre Nordique », un rendez-vous qui propose aux étudiants des rencontres avec des auteurs nordiques majeurs.
Le festival contribue-t-il directement à l’attractivité du Département d’études nordiques ?
Oui, il contribue à sa visibilité en tant qu’établissement universitaire. Il s’intègre aussi dans un pack global d’attractivité qui fait de Caen une place forte en France et même en Europe pour la culture nordique. Nous avons un destin commun. Tout a commencé dès les années 50, avec les enseignants des langues nordiques. Le festival est issu de cette matrice, ça part de très loin. S’il n’y avait pas eu ces premiers enseignements, il n’y aurait pas eu les Boréales. Depuis longtemps, cette réciprocité, cette filiation entre l’Université de Caen et Les Boréales, se vérifient. Entre nous perdure un lien historiquement naturel, comme le lien millénaire entre le Nord et la région normande. Le festival permet de rappeler ou souligner ce lien aux yeux du public.
C’est aussi un temps de rencontres professionnelles intenses, avec un intérêt immédiat pour mon activité universitaire. Il m’a permis notamment d’écrire des articles et d’élargir mon réseau.
Où en est le Département d’études nordiques de Caen, aujourd’hui ?
Il poursuit son développement. Depuis 2017, il est le seul en France à proposer l’enseignement des 5 langues nordiques (danois, finnois, islandais, norvégien et suédois). Les effectifs augmentent chaque année. Nous allons accueillir environ 200 étudiants à la rentrée 2022, de la première année au Master. 50% d’étudiants sont originaires de la région, l’autre moitié vient de partout ailleurs en France.
Mylène Bouchard - Directrice littéraire - Éditions La Peuplade (Québec)
« Le nord et un élément qui nous relie tous »
« Pour notre maison d’édition, Les Boréales sont un rendez-vous de taille. La Peuplade est à la recherche de perles littéraires nordiques, de « nouvelles voix « à accompagner.
À ce titre, participer aux Boréales est un vrai « plus ». Nous calons les sorties de nos livres en tenant compte des dates du festival, pour donner la possibilité aux auteurs d’y être invités. Nous aurons d’ailleurs trois auteurs présents pour cette édition 2022 : Niviaq Korneliussen (Groenland), phénomène de littérature inuit, Johanne Lyke Holm (Suède) et Juhani Karila (Finlande). »
« Un contact privilégié avec des lecteurs passionnés »
« Ce festival est incontournable pour tout éditeur qui, comme nous, développe une collection de littérature étrangère aux racines fortement inscrites dans la nordicité.
J’y serai encore présente cette année, pour la deuxième fois, aussi parce que c’est le lieu idéal pour faire des rencontres toujours pertinentes et intéressantes. C’est l’occasion déjà d’y retrouver nos auteurs, qu’on voit assez rarement. Et puis le festival se distingue par la qualité de son public, remarquablement intéressé, averti, curieux. Pour nous comme pour les auteurs, Les Boréales proposent un contact privilégié avec des lecteurs passionnés par le nord, à l’âme de voyageurs.
Le nord est d’ailleurs très présent dans les conversations aux Boréales, c’est un élément qui nous relie tous. Enfin, sa dimension normande est intéressante, avec ces tournées d’auteurs dans les villes et villages.
Les Boréales ont acquis une dimension internationale évidente et méritée, on y vient de partout dans le monde. On ne dure pas 30 ans par hasard et il faut saluer le travail colossal l’équipe pour monter une telle programmation, avec autant d’artistes, dans des disciplines aussi différentes. »
Laurent Martin - Directeur de la bibliothèque de Mathieu
« Une opportunité unique pour les bibliothèques »
Agent de la bibliothèque d’Alençon de 2004 à 2011, puis en poste à Mathieu (près de Caen) depuis 2011, Laurent Martin attend toujours novembre avec impatience et se porte tôt candidat pour accueillir des rendez-vous des Boréales. Il apprécie notamment que le festival permette aux petites bibliothèques d’accueillir des événements de sa programmation. « C’est une opportunité unique. Nos budgets ne nous permettent pas forcément de recevoir des auteurs de renom, comme ce sera le cas cette année avec Mo Malø (samedi 12 novembre 2022, 17h), ou même des concerts comme nous l’avons fait par le passé. J’ai en mémoire notamment deux concerts de l’Islandais Svavar Knútur qui ont marqué le public de la petite bibliothèque de Mathieu… ».
« Le public accroche »
« Dès le mois de mars, quand la liste des auteurs invités est connue, nous nous positionnons, nous achetons des livres pour que nos usagers aient le temps de découvrir les auteurs, notamment celui qui nous rendra visite. Ce sont des rencontres qui marchent tout le temps, le public accroche, et les auteurs aussi. J’ai en mémoire des moment intenses avec Olivier Truc ou Jón Kalman Stefánsson. »
« Un impact sur les lecteurs »
Progressivement, Les Boréales ont contribué à façonner un public pour les textes nordiques, en même temps que les polars de Henning Mankell ou de Stieg Larsson (Millenium) devenaient très populaires. Le festival a permis d’aller plus loin et peu à peu, les bibliothèques normandes ont ainsi constitué des fonds de littérature nordique assez conséquents et qui se démodent moins vite, encore grâce aux Boréales.
Chaque année, je peux par exemple revaloriser auprès des usagers des titres des années précédentes, leur redonner ponctuellement une visibilité. Si Les Boréales s’arrêtaient, la place de la littérature nordique dans nos lieux de lecture publique en pâtirait. »
Propos recueillis par Aprim
Ces professionnels ont été interviewés pour le dossier « Boréales, Années lumières ».
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