De retour de la Foire internationale du livre jeunesse de Bologne où il était invité par Normandie Livre & Lecture, Tony Durand nous reçoit dans son atelier à Cherbourg. Dans ces quelques mètres carrés germent des idées fécondes et parfois des installations monumentales.
Scénographie, sculpture, gravure, micro-édition, illustration... Dans quelle case ranger Tony Durand, qui peut aussi se revendiquer plasticien ? « Pour moi, il y a un dénominateur commun. Je vois ça comme du graphisme, un travail sur les signes et le rapport texte-images. Quand je construis une installation à la scie sauteuse, c’est encore du graphisme. Les outils changent mais les préoccupations sont les mêmes : Comment les gens vont-ils se placer ? Que vont-ils comprendre ? »
Qui suis-je ?
Pour échapper au service militaire après une licence de lettres, Tony Durand devient objecteur de conscience dans une association d’éducation populaire. Il se retrouve à maquetter ses premiers documents maladroitement mais découvre un vrai métier. Après deux années formatrices en agence, il se lance en solo pour les acteurs de la culture. Les commandes se mêlent aux recherches personnelles et progressivement une patte se dégage. « Même lorsque je fais de l’illustration au papier découpé, on m’identifie. Il y a aussi un esprit qui s’exprime dans la fantaisie de mes textes. »
Malgré un certain succès, ses premières expériences en littérature jeunesse lui laissent un goût d’inachevé. Jusqu’à sa rencontre avec les éditions Møtus. « Je suis venu au graphisme par l’impression artisanale, en gravant moi-même des tampons. J’ai cherché à faire évoluer cette technique avec des empreintes d’objets usuels… C’était à l’époque de Sarkozy et son ministère de l’Identité nationale… J’ai créé un personnage à partir de mon empreinte digitale. » Un livre à système est né de cette réflexion qui amuse les enfants et questionne les adultes.
Rien ne se perd, tout se transforme
L’inspiration de Tony Durand peut surgir de l’actualité, d’un choc visuel ou de sens. Une phrase de Lavoisier le fascine depuis la 5e : « Rien ne se perd, tout se transforme. » Elle sera à l’origine d’un nouvel ouvrage à paraître chez Møtus.
Dans tout ce qu’il entreprend, il y a aussi un goût du jeu, conservé de l’enfance. « C’est peut-être lié au fait que je suis fils unique. J’ai beaucoup inventé pour me distraire, au détriment des jouets qu’on m’offrait. Ma mère disait : “Tu auras des planches et des clous à Noël.” Elle n’a jamais mis sa menace à exécution, mais je continue de m’amuser dans tout ce que je fais. »
Stéphane Maurice / aprim
Bio express
- 1974 : Ouvre prudemment,pour la première fois, un œil
- 1982 : Reçoit du père Noël un jouet Rollyprint, petite imprimerie miniature
- 1996 : Entame ses doigts à coups de gouge et cutter, découvre ainsila linogravure et la micro-édition
- 2008 : Son premier « vrai » livre sort aux éditions Didier Jeunesse
- 2019 : Commence à réaliser ses premières images en papier découpé
À propos de la ˝couv˝de Perluète #10
“L’illustration de couverture met en scène une poésie vivante, omniprésente, et son public saisi dans sa vie quotidienne. La poésie surgit inopinément et happe l’attention. Cette image a d’abord été crayonnée, avant d’être “transposée” en papier découpé, chaque élément étant patiemment découpé puis immobilisé sur la feuille après avoir cherché la meilleure composition. Par cet assemblage, j’ai souhaité illustrer l’idée que la poésie était partout, et qu’il fallait apprendre à regarder ce qui nous environne.˝ Tony Durand