Tous les parcours ne se tracent pas d’un coup de crayon. L’illustrateur Gaël Dezothez a longtemps cherché et douté, avant de voir son travail reconnu, publié et exposé, en particulier au Havre, sa ville natale. Un univers à découvrir et un talent à suivre.
portrait gael dezothez "Il n’y a que quand je dessine que je me sens dessinateur"
© aprim

Son humilité confine à la timidité, ou bien est-ce l’inverse ? Gaël Dezothez n’aime pas parler de lui, ni de ses dessins d’ailleurs. Il ne veut pas priver celui qui les regarde du plaisir de faire marcher son imagination, d’y coller sa propre histoire.

Havrais pur jus, c’est dans sa ville natale qu’il esquisse ses premiers croquis, sur les bancs du lycée, avant de partir faire des études d’art à Strasbourg puis Amiens pour devenir « prof d’arts plastiques ». Le service militaire viendra contrarier ses plans. Objecteur de conscience dans une association pour la jeunesse, il enchaîne ensuite les petits boulots, comme les portraits de clients dans un casino, qu’il croquera, jusqu’à l’écœurement. Au point de poser son crayon, pendant plusieurs années… C’est finalement en travaillant dans le social qu’il recommence à griffonner, un peu, beaucoup. « Le dessin a une vraie dimension cathartique », note-t-il.

Bio express

1974 Naissance au Havre

2017 Illustration du Nautilus, aux éditions Vagnon

2018 Exposition Né(e)s de l’écume et des rêves au MuMa

2019 Exposition À l’aventure ! Édouard Riou, illustrateur de Jules Verne – jusqu’au 27 avril à la bibliothèque Salacrou au Havre

http://gaeldezothez.ultra-book.com/

« Entre Robert Crumb et Tintin »

En 2014, Gaël Dezothez participe au forum We Love LH, qui met en lumière des artistes émergents. Il intègre alors les Amarts, un collectif décidé à égayer les rues de la ville grâce à l’art contemporain. « Après, ça ne s’est plus arrêté, explique l’illustrateur, presque l’air surpris. Il n’y a que quand je dessine que je me sens dessinateur. » Il réalise des fresques sur la Friche Danton en 2016, à la gare du Havre en 2017 et, plus récemment, sur un mur de 4 x 10 mètres dans le quartier de Caucriauville… Ses décors et ses personnages prennent vie à force de hachures savamment posées et de couleurs soigneusement choisies. « Je navigue entre Robert Crumb et Tintin », définit-il. En 2017, il est sollicité par les éditions Vagnon pour illustrer un livre sur le Nautilus, le célèbre sous-marin imaginé par Jules Verne. Les planches sont précises, délicates, envoûtantes. « C’est un imaginaire qui m’a parlé, j’ai créé tout un panel de créatures sous-marines. » L’année suivante, il est demandé par le MuMa pour l’exposition Né(e)s de l’écume et des rêves, autour de la question des imaginaires liés à la mer et aux abysses. Il expose aussi dans des centres culturels, anime des ateliers…

Gaël Dezothez, qui sait la fragilité de la création et la fugacité de la réussite, garde un emploi à mi-temps, pour conserver une autonomie financière et artistique. « Je veux avoir la liberté de travailler sur ce qui me plaît. » Il commence justement l’année avec l’exposition sur le peintre Édouard Riou (bibliothèque Salacrou), qui s’achève le 27 avril, et garde d’autres projets en tête. Il n’est pas près de ranger ses crayons… Pour notre plus grand plaisir.

 

Christelle Tophin - aprim Caen

[Portrait] Gaël Dezothez – Âme sensible