Le confort, pas trop pour lui. À 37 ans, l’illustrateur rouennais Arnaud Nebbache commence à recueillir les fruits d’un itinéraire sans concession, exigent et curieux, qui prend sa source en Belgique.
L’histoire situe l’homme. Peu avant la fin de ses études d’illustration à Bruxelles, en pleine période cruciale pour l’obtention de son diplôme, Arnaud Nebbache a quitté les cours pour cinq semaines en Algérie, afin de s’imprégner d’un conte de Hawa Djabali qu’il voulait illustrer pour son mémoire. « On m’a déconseillé de partir, on m’a dit que je risquais de perdre mon année, mais je n’ai pas reculé. » Et à la fin il a obtenu le diplôme. L’illustrateur rouennais déroule l’histoire sans vanité. Il y voit surtout un épisode constitutif de ce qu’il est aujourd’hui. « Ma formation en Belgique m’a notamment appris à prendre des risques. » Pas de posture bravache dans la formule, plutôt l’expression d’une certitude acquise ces années-là : « veiller à me remettre en danger à chaque projet, toujours réinterroger mes pratiques, m’adapter à l’auteur… Et surtout rencontrer le texte. »
École de patience
Se garder de ses automatismes. À 37 ans, Arnaud Nebbache porte cette exigence sans tapage, à mots pesés derrière une barbe à la Constantin Brâncuși, sculpteur qu’il admire. S’exprime dans son style une recherche de simplification. L’astreinte régulière à des techniques comme la linogravure, le tampon ou le pochoir, l’aide dans cette quête. « J’ai appris la patience. À mes débuts, j’ai essuyé beaucoup de refus. En 2011, j’ai été publié chez l’Âne Bâté et la reconnaissance du milieu a commencé à grandir à ce moment-là, pas avant. » En 2014, la rencontre avec Isabel Finkenstaedt, fondatrice des éditions Kaléidoscope, lui fera franchir un autre palier.
Tout en signant dans la presse (1) et en enseignant au lycée Jeanne-d’Arc de Rouen (là où lui est venue la vocation dans les années 90), Arnaud Nebbache continue d’explorer, à l’aise dans la peau d’un auteur jeunesse. « La démagogie n’existe pas chez les enfants, pas la peine d’en faire trop, ni d’être dans le bavardage, dit-il. Créer pour la jeunesse, c’est aussi une façon de me relier à mes deux fils. L’aîné a 10 ans, ses lectures changent et comme par hasard je me mets à illustrer des textes plus longs, ce qui est nouveau. »
Avec Les Mots de Mo, sorti chez Kilowatt et sélectionné pour le Prix Opalivres 2021, il s’installe un peu plus sur le registre du récit illustré. Chez le même éditeur il sort prochainement Rendez-vous sous la Manche, sur le tunnel sous la Manche, et a signé pour deux autres projets, dont un roman jeunesse. En quête de nouveaux continents créatifs, et dans cette actualité chargée, Arnaud Nebbache profite d’une bourse d’écriture dans le cadre du FADEL (2) pour se plonger dans un gros travail d’écriture, « la biographie d’un artiste majeur du XX e siècle... » Il n’en dira pas plus, à nous de patienter. L’explorateur est parfois taiseux.
Laurent Cauville / aprim Caen
(1) Il vient d’illustrer un récit sur l’incendie de Lubrizol dans la Revue XXI (n°51 - été 2020).
(2) Fonds d’aides au développement de l’économie du livre (Drac-Région-CNL).
Bio express
1983 Naissance à Rouen
2005 Diplômé de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles
2011 Carottes ratées et autres fautes de goût, première collaboration avec les éditions de l’Âne Bâté. Deux autres suivront.
2014 La Lapindicite (texte Christine Naumann-Villemin), première collaboration avec Kaléidoscope. Suivra La Carapace de Denis en 2016.
2020 Les Mots de Mo (texte Anne Loyer), chez Kilowatt, sélectionné pour le Prix Opalivres 2021
2021 Sortie de Rendez-vous sous la Manche (Kilowatt). Deux autres projets en cours chez le même éditeur.