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Grand voyageur, amoureux d’Amérique du Sud et d’Afrique, écrivain protéiforme  engagé sur les questions d’écologie, de rapport à la nature et d’altérité, Yves-Marie Clément est l’auteur d’une œuvre prolifique. L’ex-enseignant et journaliste  est un passeur, engagé en ce moment avec des lycéens dans le projet Digi’Climat.

Que vous ont appris tous vos voyages sur la place de l’Homme dans la civilisation et son environnement ?

J’ai vécu en Guyane, où la biodiversité est la plus riche du monde (plus de 1 700 espèces d’arbres !), découvrant le respect des populations autochtones pour la nature. Auparavant, j’avais déjà un regard critique sur notre civilisation du gaspillage, notre manière de vivre, d’user la terre, de pêcher jusqu’à l’épuisement des réserves, de polluer. Un regard nourri aussi par mes lectures, d’abord René Dumont (L’Utopie ou la mort !), puis Théodore Monod (Et si l’aventure humaine devait échouer). Nous sommes en permanence dans un rapport de domination, celle de la nature, celle des peuples colonisés, ceux et celles dont les Occidentaux profitent depuis le XVIe siècle par l’esclavage, l’exploitation des terres, l’extraction minière... Ma rencontre avec les autochtones et leur manière d’envisager le vivant d’égal à égal a confirmé mes convictions : nous faisons exactement le contraire de ce qui est raisonnable.

Vous écrivez aussi bien des romans adultes que jeunesse, de la nouvelle, du policier... Comment choisissez-vous ?

La forme et le genre littéraire me viennent selon mes envies. J’aime explorer les arcanes de l’écriture, ne pas faire deux fois la même chose. Pour moi, la littérature, c’est un véritable laboratoire. J’y réalise sans cesse de nouvelles expériences. Parfois, le genre s’impose à moi. Pour parler de l’orpaillage illégal en Guyane et du projet écocide de la Montagne d’or, j’ai choisi avec ma coautrice le polar pour les adultes. L’Or assassin montre le combat des Wayanas pour leur survie face au rouleau compresseur de l’extraction minière. C’est un genre populaire, avec des situations et des images percutantes, qui peuvent marquer les esprits.

 

Le message écologique est fort dans vos livres. Au-delà de faire découvrir des environnements peu connus (la Guyane dans L’Or assassin et Juliette et Roméo, la paléoanthropologie dans Les Amoureux de Houri-Kouri), que voulez-vous faire passer à travers vos fictions ?

Mon écriture a toujours été engagée et elle est de plus en plus militante. La plupart de mes fictions ont un message écologique fort depuis que j’ai commencé à publier en 1990. Mais je traite d’autres problématiques sociétales : le regard que l’on porte sur « l’Étranger », et au-delà, la lutte contre les extrémismes et les obscurantismes. Vous citez Les Amoureux de Houri-Kouri, c’est un peu une allégorie. Dans ce roman ados/adultes, on découvre la rencontre, il y a 300 000 ans en Afrique de l’Ouest, de deux humains d’espèces différentes, Nourh et Dhîb, nos lointains ancêtres. Comme eux, nous sommes tous africains, le fruit d’un long brassage génétique fait d’hybridations et de métissages. Le message est que peut-être, au-delà de nos différences, nous sommes une seule humanité.

 

Pouvez-vous évoquer votre actualité et votre implication dans le projet Digi’Climat, porté par la Région Normandie et Normandie Livre & Lecture ?

Digi’Climat, c’est un jalon de plus pour avancer dans la réflexion sur l’urgence climatique, sur l’importance des décisions politiques à prendre immédiatement. Pour ma part, je suis en lien avec une classe de seconde du lycée de Lillebonne. Nous nous sommes rencontrés. Après la lecture du rapport du GIEC, ils m’ont confié des clés pour écrire une nouvelle d’anticipation. Je trouve leur vision du futur très pessimiste, et je les comprends. Ils peuvent franchement en vouloir à nos générations. Autrement, je viens de publier un roman ados sur le thème du racisme (Coupable ?, Le Muscadier). D’autres ouvrages sont en voie de finalisation pour fin 2023 et 2024.

 

Propos recueillis par Cindy Mahout et Valérie Schmitt

Bio Express

Né le 31 mai 1959, à Fécamp, « dans les brumes de Normandie », Yves-Marie Clément a été professeur de lettres-histoire en lycée professionnel, après des études d’histoire. Il a publié son premier roman jeunesse en 1990. Il a également été correspondant de presse pour France-Guyane et Normandie Magazine. Aujourd’hui, il se consacre entièrement à l’écriture. Romans, nouvelles, contes, théâtre, tous les genres l’intéressent. Il écrit souvent à quatre mains avec Nathalie Clément.

Passionné de voyages, d’écriture, d’arts martiaux (il est 3e dan de judo) et de nature, il a parcouru avec Nathalie le Sahara durant plusieurs mois, en 1983-1984. De 1989 à 1998, c’est à Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane, qu’ils posent leurs valises, avant l’Ardèche, Mayotte, puis Fécamp. Il lit les auteurs du monde entier, avec quelques préférences pour l’Amérique du Sud (Amado, Quiroga, Garcia Márquez, Sepúlveda) et les Caraïbes (Chamoiseau, Césaire, Glissant, Condé, Damas).

[L’invité] Yves-Marie Clément – Métissage permanent
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