À la fois scénariste, comédien et auteur jeunesse, Guillaume Nail s’exprime aussi sur le terrain de l’engagement. Avec une passion énergisante, l’ex-président de la Charte des auteurs et illustrateurs combat les stéréotypes et milite pour l’égalité femmes-hommes. Même intensité à la table de travail, où il prend l’écriture à bras-le-corps, la malaxe comme une matière vivante, partageant son temps entre Paris et le Cotentin, ce bout du monde qu’il raconte dans plusieurs de ses livres.

© Julien Benhamou
Tu as fait une entrée remarquée en littérature jeunesse avec un joli polar rural Qui veut la peau de Barack et Angela ?. Pourquoi t’être lancé dans l’écriture pour les enfants et adolescents ?

La question est plutôt : pourquoi donc ai-je attendu si longtemps ? Dès le départ, je m’y suis senti chez moi. J’ai découvert un univers foisonnant, une réelle liberté de création, et goûté un plaisir infini à retrouver mes sensations d’enfance, mes émotions d’adolescent. Cerise sur le gâteau, les interventions scolaires, en librairie ou en salon créent un rapport très vivant au lectorat, leurs retours me nourrissent.

Tes romans publiés aux éditions du Rouergue sont portés par des personnages forts, parfois en rupture. C’est le cas de l’héroïne de Tracer, par exemple. Dirais-tu que tu es un écrivain engagé ?

Le terme me convient parfaitement. Comment trouver sa place est une question qui me taraude. J’ai besoin d’éprouver avec mes personnages les moyens de sortir des assignations stéréotypées, des voies toutes tracées. Comment s’autoriser à dessiner son propre parcours, loin des sentiers battus… C’est le questionnement, la confrontation d’idées et la rencontre qui nous font avancer.

Parle-nous de ton mandat de président de la Charte des auteurs et illustrateurs. As-tu eu l’impression de faire bouger les lignes, de faire avancer la relation auteur-éditeur et la question de la rémunération et du statut des auteurs jeunesse ?

" Il faut sortir de cette vision obsolète de l’auteur qui vivrait d’amour et d’eau fraîche, déconnecté de la réalité du monde"Dans les politiques publiques – la crise sanitaire l’a cruellement confirmé –, on oublie trop souvent le premier maillon, sans qui pourtant toute la chaîne s’effondre : l’auteur. C’est sur lui que repose le risque de la création, lui aussi qui doit se battre pour faire entendre son droit à vivre de ses œuvres. Double peine, d’ailleurs pour les auteurs jeunesse, qui restent moins rémunérés, avec 5,1 % du prix HT du livre, en moyenne !

Les maisons d’édition ont leur rôle à jouer ; il faut sortir de cette vision obsolète de l’auteur qui vivrait d’amour et d’eau fraîche, déconnecté de la réalité du monde. Acteur économique à part entière, l’auteur doit être appréhendé et rémunéré comme tel.

Mon engagement au sein de la Charte aura servi à confirmer combien je crois au collectif – sans lui, point de salut. Mais aussi à questionner la sous-valorisation d’un secteur très féminisé – inégalité de traitement qui interpelle le féministe que je suis. De même, quid de la diversité ? Où sont les auteurs racisés ? Quelle part de représentations LGBTQI+ dans les ouvrages, de récits non validistes ? Il est temps que la littérature jeunesse embrasse la diversité du monde auquel elle s’adresse. Le secteur doit opérer sa mue.

Peux-tu répondre à une question que je ne t’aurais pas posée ?

J’en profiterais pour dire le bonheur que j’ai à évoquer dans mes romans le Cotentin. Dire ce qui me lie à cette région, pourquoi j’en suis tombé amoureux. Dans les territoires ruraux, des milliers d’histoires existent, qui méritent d’être racontées. Une manière là aussi de lutter contre les idées reçues.

 

Propos recueillis par Catherine Gentile

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Bio express

Scénariste et auteur. Son 1er titre, Qui veut la peau de Barack et Angela ?, est publié en 2016 (Le Rouergue). Vont suivre Bande de zazous (Le Rouergue, 2017), Cro Man (Seuil jeunesse, 2018), L’Inversion des pôles (Slalom, 2019 – 2020, en deux tomes), Magda (Auzou, 2019, illustrations de Terkel Risbjerg), Tracer (Le Rouergue, 2020). Il devient le président de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse en février 2019 avant de passer le flambeau en octobre 2020 à une présidence collective assurée par les 5 auteurs membres du bureau.
Le 14 octobre 2020 sort Le Cri du homard (Glénat), dont l’action se déroule dans le Cotentin.

Site : https://guillaumenail.com

[L’invité] Guillaume Nail – Auteur engagé