"Il était une fois une petite fille venue de Picardie qui faisait rire les petits Normands dès qu’elle parlait. La raison de cette hilarité ? Son accent ch’ti !"

Les parents de la jeune Magda qui tenaient le « Tchot Zinc » à Moreuil, dans le Nord, quittent la Picardie pour venir s’installer à Grimouville, en Normandie, dans l’espoir d’une vie meilleure.

© Claudie Mollet

Quand ils découvrent « le Vent du Large » leur nouveau café, ils sont accablés par l’état des lieux mais, très vite, ils vont reprendre l’affaire en main et, bien accueillis par les habitants, faire de leur établissement le lieu de convivialité du village. Pour leur fille, par contre, l’intégration va s’avérer beaucoup plus difficile : elle a perdu son amie Charlotte, ses parents lui ont parlé de la mer toute proche mais ne l’y emmènent pas faute de temps et, surtout, à l’école, dès qu’elle parle, elle déclenche les rires des autres enfants…

Magda ne comprend pas le motif de cette hilarité et se replie sur elle-même. Il faudra l’aide d’un orthophoniste compréhensif pour aider Magda à sortir de son isolement. Et, quand ses parents auront la bonne idée d’organiser une « réderie » (un vide-greniers en picard) et de faire venir du Nord un spectacle de marionnettes, pour la fillette, ce sera une révélation : elle comprendra enfin que, malgré les différences d’accent et de langage, on peut vivre et rire ensemble…

Voici le troisième roman de Guillaume Nail à destination des jeunes lectrices et lecteurs. Avec « Magda », l’auteur brosse le portrait d’une petite fille en plein désarroi suite à un déménagement. Magda éprouve une grande solitude, a peur d’être abandonnée par ses parents et subit le rejet de la part des autres enfants à cause de sa façon de parler. Guillaume Nail (qui partage sa vie entre Paris et Barneville-Carteret) est sensible à la thématique de l’enfant qui se sent rejeté, craint d’être abandonné par ses parents et préfère fuguer, thématique qu’il a déjà abordée dans un roman précédent : « Bande de zazous » paru en 2017 aux éditions du Rouergue. Ce roman incitera les enfants à réfléchir sur la bêtise du rejet. Quant au mot de la fin, laissons-le à l’illustrateur, Terkel Risbjerg, danois vivant en France, qui nous dit ceci : « Dans Magda, on parle surtout de l’accent picard, mais en Normandie aussi, il faut avoir des oreilles bien aguerries pour suivre une conversation entre des locaux ! ». Ce roman, tout en mettant l’accent (c’est le cas de le dire !) sur la Picardie, invite à la tolérance et à l’ouverture aux autres. Nos diversités ne font-t-elles pas notre richesse ?

Mots choisis

  • Il me faut trois joko, madame, s’il vous plaît !
  • Excuse-moi, je n’ai pas bien compris.

C’est vexant, mais Magda répète :

  • Il me faut trois joko, madame, s’il vous plaît !
  • Bon écoute, il y a des gens qui attendent, alors montre-moi ce que tu veux, je n’ai pas le temps pour les blagues.

À contrecoeur, Magda passe sous le comptoir pour attraper trois miches de deux livres tandis que sa mère klaxonne. Cernée par le regard amusé des clients, limite impatients, Magda voudrait pleurer et ses mains tremblent en cherchant les pièces dans le porte-monnaie.

Claudie Mollet, Bibliothèque Alexis de Tocqueville à Caen

 

Magda de Guillaume Nail, illustré par Terkel Risbjerg, éditions Auzou, 2019 (Collection Pas de géant)

[Chronique] Magda de Guillaume Nail