En 2020, la bibliothèque de Saint-Sever, dans la métropole de Rouen, a repensé la décoration et les aménagements de ses toilettes, pour y offrir une qualité d’accueil essentielle dans ces lieux d’aisance qui, trop souvent en France, ne le sont pas. L’initiative a inspiré l’Association des Bibliothécaires de France (ABF), qui a créé le concours Chouettes Toilettes la même année, renouvelé en 2022.

Sophie Cornière, directrice du lieu à l’époque (désormais directrice de la médiathèque d’Elbeuf), revient sur le sens de cette initiative.

© rouen.fr

Quels aménagements avez-vous réalisés dans les toilettes de la bibliothèque de Saint-Sever et pourquoi ?  

Les sanitaires de notre bibliothèque étaient bien entretenus, mais à l’occasion d’une rénovation de l’ensemble de l’équipement, en 2020, j’ai tenu à ce qu’on consacre une petite partie du budget à une vraie décoration des toilettes. Pour un budget très abordable, on peut faire des choses très bien. Nous avons humanisé le lieu en le personnalisant. Chacune des trois toilettes s’est vue attribuer une thématique : « Gatsby le magnifique », « jungle » et « azulejos ». Trois WC, trois ambiances… 

L’idée était d’amener du style et du confort. Un grand miroir en pied a été installé près des lavabos, on a pensé à des patères et des tablettes pour les vêtements et les sacs, on a prévu une corbeille avec des protections périodiques à disposition gratuitement, issues de dons. Car dans les toilettes, en France, ce sont surtout les femmes qui pâtissent de conditions déplorables. Physiologiquement, elles sont obligées d’y passer plus de temps. Trop souvent elles évitent les toilettes des lieux publics, comme d’ailleurs beaucoup d’enfants dans les écoles…

 

Justement, vous faites le constat d’un retard en France sur la qualité d’accueil dans les toilettes ?

C’est une évidence, les études le montrent et je l’ai constaté en voyageant. C’est pourtant un lieu essentiel quand on accueille du public. La pyramide de Maslow nous rappelle qu’il s’agit bien là de répondre dignement à un besoin fondamental. Aussi, en tant que bibliothécaires, nous nous devons d’assurer cet accueil fondamental, ne serait-ce que pour concrétiser ces principes d’accessibilité et d’inclusion. 

 

Quel bilan tirez-vous de cette initiative ?

Je retiens d’abord que plus on accorde de soin à la décoration et à la propreté du lieu, plus il est respecté par les utilisateurs. C’est un cercle vertueux. Beaucoup d’entre eux ont été sensibles à la démarche et nous l’ont dit. « C’est comme dans un grand restaurant ! », s’est-on exclamé une fois devant moi. 

Au-delà, l’initiative a permis d’enclencher une réflexion. J’ai d’abord essuyé quelques sarcasmes sur les réseaux sociaux. Mais rapidement, grâce au concours national « Chouettes Toilettes », créé dans la foulée par l’ABF, la question a été davantage prise au sérieux par la profession. La question de la qualité de l’accueil aux toilettes se pose sans doute un peu plus aujourd’hui. Mais il reste beaucoup de chemin à faire en France sur le sujet. À nous, bibliothèques, d’ouvrir la voie.

 

Propos recueillis par aprim

[Lieux] L’inclusion jusque dans les toilettes à la bibliothèque Saint-Sever de Rouen