Est-ce une bonne idée ? Comment faire ?
De nombreux libraires se sont déjà lancés, devançant les résultats du baromètre Ipsos/CNL publié le 12 avril, indiquant que 40 % des Français ont acheté un livre d’occasion dans les douze derniers mois.
Liée à la fermeture des librairies pendant le Covid, à l’inflation et à des pratiques écoresponsables, la hausse des ventes de livres d’occasion se ressent dans les habitudes des Français, avec une croissance de 6 % par rapport à 2021 et de 14 % par rapport à 2015.
La Grande Ourse, par exemple, librairie généraliste à Dieppe, a ouvert en mai 2016 avec un rayon occasion à l’étage, à côté de l’espace café. Faute de place, le rayon a été abandonné peu à peu.
Les Rencontres nationales du livre, organisées par le Syndicat de la librairie française (SLF) en juillet 2022, ont remis cette idée au goût du jour. Motivée par l’envie de rendre le livre accessible pour tous et dans un souci écologique, la librairie a été réaménagée et des étagères ont été construites. Mais ici, pas d’achat de livres qui entraînerait trop de manutention. La librairie a bénéficié de dons de ses coopérateurs, les 20 plus « gros » lecteurs.
« Une vraie demande »
La librairie a communiqué en mai sur cette nouvelle offre et proposera 500 références à l’été. « Il y a une vraie demande, déclare Vanessa Audéon, notamment de gens qui n’auraient pas acheté de neuf ou qui achètent des deux ». À la librairie Place 26 à Douvres-la-Délivrande, l’idée est née il y a un an et se concrétise depuis six mois, « pour favoriser le circuit court et le développement durable », expliquent Véronique et Christophe. Ils proposent, au fond du magasin, une bibliothèque de livres leur appartenant ou donnés par les membres de leur club de lecture. On y trouve de la littérature adulte, de la BD enfants, quelques beaux livres, environ 70 références en un seul exemplaire. Il s’agit d’une phase test mais depuis la publication d’une story montrant ce rayon, il tourne et des aménagements sont prévus pour le développer.
L’Armitière et Colbert sont des habituées de l’occasion, le proposant depuis longtemps pour le livre scolaire. La librairie de Mont-Saint-Aignan a développé un outil permettant d’étendre cette offre aux livres universitaires, de poche, jeunesse et à la BD. Les clients déposent les livres qui sont étiquetés et interclassés avec les neufs. Une fois le livre vendu, le client est remboursé. Pour Cédric Thirel, directeur de la librairie Colbert, il s’agit « de fidéliser des clients, de proposer une offre moins chère et de contrer Amazon, qui vend de l’occasion ». Mise en place à l’automne, la librairie a peu communiqué mais, en deux mois, plus de 800 livres ont été vendus (hors scolaire).
Le dirigeant de L’Armitière, Matthieu de Montchalin, s’est assuré de l’adhésion de ses libraires avant de mettre en place un service original. Depuis la suppression de la remise de 5 % en 2021, il cherchait comment « faire plaisir à ses bons clients ». Depuis septembre, il propose aux détenteurs de cartes de fidélité (un grand nombre a été ouvert depuis), au passage en caisse, de racheter leur fiction grand format à 35 % du prix du neuf (sous la forme d’un avoir). Le livre, alors tamponné, doit être rapporté dans les deux mois. Il est revendu à 80 % du prix du neuf. Et ce service est maintenant une marque déposée sous le nom de « Deuxième lecture ». Autre enjeu, celui de l’écologie. L’action de la librairie est minime, dépendante des autres maillons de la chaîne du livre, mais proposer de l’occasion, c’est offrir au livre une seconde vie. « Neuf mois plus tard, les clients apprécient. Ils font tamponner leur livre mais très peu le rapportent, seule une centaine de livres a été retournée ». Néanmoins, chaque mois, le nombre de rachats et de ventes double, les exemplaires d’occasion ne restant pas plus de trois mois dans les rayons. Convaincu, le libraire va étendre l’offre à la jeunesse, BD, manga et aux ouvrages de vie pratique. Il espère que l’occasion atteindra 2 à 3 % du chiffre d’affaires de la librairie d’ici trois ans, ce qui représenterait 20 000 livres.
Sophie Fauché