L’IMEC (Institut Mémoires de l’édition contemporaine) est installé dans l’abbaye d’Ardenne, l’une des plus belles abbayes de Normandie. Ce site remarquable conjugue le charme d’un monument du XIIe siècle et la force d’une collection d’archives contemporaines. Découverte de cette bulle verte posée à l’orée de Caen, lieu chargé d’histoire pleinement inscrit dans le temps présent.
Cindy Mahout et Agnès Babois
L’architecture des bâtiments de l’IMEC est caractéristique de ces « abbayes aux champs » de l’ordre des Prémontrés. Le lieu de vie spirituelle, organisé autour de l’abbatiale et du cloître aujourd’hui disparu, se situe au cœur d’un vaste enclos entouré d’un mur d’enceinte de près de deux kilomètres. Les jardins et les bâtiments, aux styles architecturaux différents, forment un ensemble patrimonial remarquable que le public peut découvrir librement.
Victime de la Révolution
La révolution de 1789 chasse les religieux de l’abbaye d’Ardenne. Les lieux réguliers perdent leur destination originelle et l’abbaye est morcelée entre plusieurs propriétaires. Si les bâtiments de l’exploitation agricole ont conservé la physionomie générale qu’ils avaient au Moyen Âge, il reste peu de chose des autres bâtiments démantelés au cours des destructions de 1791-1792 et de 1820-1825, lorsque l’abbaye sert de carrière.
Sous le feu du D-Day
Le 6 juin 1944, le Débarquement a lieu. L’abbaye constitue un point stratégique pour les Allemands. Des combats se déroulent pendant un mois. Dix-huit soldats canadiens seront exécutés ; un mémorial commémore sur les lieux ce tragique événement. L’abbaye est reprise aux Allemands le 8 juillet 1944, ce qui permet la libération de la rive gauche de Caen dès le lendemain. Ardenne n’est plus que ruines...
Une rénovation exemplaire
Dès 1945, une procédure est lancée et le lieu est classé aux Monuments historiques. Les premiers travaux d’urgence sont lancés. Au début des années 1990, la Région Normandie achète l’ensemble de l’abbaye et invite l’IMEC à redonner vie à ce très beau site patrimonial.
L’année 2004 marque la fin des travaux et le déménagement des collections. L’IMEC reçoit le prestigieux label de « Centre culturel de rencontre », qui distingue des monuments historiques porteurs de projets culturels singuliers. L’abbatiale, transformée en bibliothèque de recherche, offre aux chercheurs le calme et la sérénité qu’avaient par le passé les bâtiments conventuels. La grande cour de ferme et la grange aux dîmes accueillent les manifestations publiques. Aux côtés d’une prestigieuse collection d’archives, l’abbaye retrouve ainsi, après des siècles d’oubli, un rôle intellectuel et culturel majeur.
Un foyer culturel
L’IMEC décline désormais une offre culturelle diversifiée à l’attention de tous les publics : visites du monument, lectures, débats, rencontres, expositions, actions éducatives, séminaires de recherche, colloques… L’institut invite à partager les formes les plus actuelles de la création et des savoirs. Cette riche programmation permet aussi aux auteurs d’être accueillis en résidence d’écriture et s’ouvre également aux jeunes créateurs de demain via de nombreux dispositifs dont bénéficient les étudiants du master Création littéraire du Havre ou encore ceux de l’École supérieure des arts et médias de Caen/Cherbourg.
Symbolisant étroitement le lien entre patrimoine et création littéraire contemporaine, l’IMEC joue pleinement son rôle de passeur et demeure un symbole fort de la Normandie terre d’inspiration et d’écriture.
Les collections de l’IMEC
Fondé pour sauvegarder la mémoire du patrimoine des maisons d’édition, l’IMEC rassemble plus de 80 fonds d’éditeurs (Flammarion, Minuit, Le Sagittaire, Le Seuil…) et constitue une source importante pour l’histoire littéraire. Il interroge plus largement les métiers de l’écosystème du livre en s’intéressant aussi aux typographes, à la librairie, à l’histoire et aux pratiques de la lecture.
Les collections conservent par exemple les archives des typographes Pierre Faucheux ou Maximilien Vox, ou celles du Cercle de la librairie et du Club des libraires français. Elles sont aussi essentielles pour l’histoire des revues et la présence des fonds de grands écrivains n’est pas négligeable. Avec Althusser, Castoriadis, Derrida, Foucault, Guattari, Lacoue-Labarthe, Levinas ou Mounier, les philosophes sont aussi représentés. Pour autant, les auteurs moins connus du grand public ne sont pas négligés. Le travail sur leurs archives ouvre des territoires en éclairant, par exemple, le phénomène des nouveaux philosophes, la pensée autogestionnaire, la réflexion sociologique sur les pays en voie de développement.
Si les brouillons et manuscrits, lettres, notes et carnets de travail, traductions, œuvres graphiques et photographiques, éditions originales et documentation sont des sources fondamentales de la recherche, la majestueuse bibliothèque s’offre au public pour la consultation sur place. La salle de lecture propose gratuitement un accès libre aux 50 000 volumes et 650 collections de revues. Pour compléter ces collections, deux postes de consultation multimédia sont mis à disposition et proposent un accès aux archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) avec 85 ans de radio, 75 ans de télévision, et la collecte plus récente des sites Internet télévisuels et radiophoniques.
- Portail et catalogue en ligne : https://portail-collections.imec-archives.com/
- Consultation et modalités d’accès aux documents : https://www.imec-archives.com/matieres-premieres/blogs/blog/consulter-la-bibliotheque
Abbaye d’Ardenne - 14280 Saint-Germain-la-Blanche-Herbe - 02 31 29 37 37. Expositions, visites libres ou guidées, rencontres littéraires…