Séraphine Menu est une des autrices qui participe au projet Digi’Climat, porté par la Région Normandie, en partenariat avec Normandie Livre & Lecture.
Ce projet numérique lie un auteur de la région à un établissement scolaire autour de l’écriture d’une nouvelle inédite traitant des enjeux de l’écologie et de l’urgence climatique. Ce projet rejoint les préoccupations de Normandie Livre & Lecture qui propose depuis 2020 une réflexion régionale autour de l’écosystème du livre et de son impact écologique (social, matériel et symbolique).
Ainsi, après avoir proposé aux auteurs du projet Digi’Climat de regarder de courtes vidéos pédagogiques réalisées par le GIEC Normand, Normandie Livre & Lecture leur propose d’interroger le métier d’auteur et l’écosystème du livre à l’horizon 2100. Ils nous livrent, à travers ces interviews, des propos inspirants.
Au regard des synthèses réalisées par le GIEC normand (Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), pensez-vous qu’en 2100 les conditions de vie impacteront les thématiques d’écriture et l’acte créatif ?
Si nous vivons une crise écologique et politique de grande ampleur (ce qui est fort probable), je pense que les thématiques d’écriture et les sujets des histoires qui seront racontées s’éloigneront le plus possible des problèmes écologiques rencontrés, pour mieux investir les territoires de l’imaginaire et aller en quête d’histoires qui nous feront justement penser à autre chose et qui nous emmèneront dans des « ailleurs ».
Nous – les êtres humains – avons besoin des histoires et des récits. Je crois que cela fait partie intégrante de ce que nous sommes, et que les conteurs et les écrivains seront toujours parmi nous. Pendant la crise sanitaire du Covid, les éditeurs ont constaté que les livres qui avaient été écrits pendant cette période étaient pour la plupart des récits de science-fiction, de fantasy ou d’anticipation. De l’imaginaire avant tout.
La réalité et les enjeux du monde à venir ne faisaient pas partie de la majorité des histoires qui ont vu le jour à cette époque, la crise sanitaire n’était pas au coeur des récits, car nous avons surtout besoin dans ces moments-là de nous échapper.
À votre avis, en vous projetant sur les scénarios décrits par le GIEC en 2100, quels seront les impacts de cette crise écologique sur la filière du livre ?
Je crois que le monde du livre subira comme de nombreux autres secteurs une crise sans précédent. Cela va sans doute sembler pessimiste, mais je pense que les écrivains (même s’ils n’arrêteront probablement jamais d’écrire, d’inventer des histoires et de les partager) se mettront à faire autre chose. Cultiver la terre, trouver de l’eau potable… seront sans doute des préoccupations quotidiennes. Je crois que le monde du livre existera toujours, mais qu’il prendra une forme différente. J’imagine parfois que les livres deviendront une denrée rare que l’on se passera en secret de mains en mains, heureux d’avoir pu trouver un vieux recueil de poésie ou un vieux classique encore en bon état.
Une chose est sure, cependant : les faiseurs d’histoires seront toujours là et auront toujours de l’inspiration. C’est le mode de transmission de leurs idées qui devra changer. Peut-être un retour à l’oralité ?
Comment résonne en vous la participation au projet Digi’Climat ?
Je trouve ce projet passionnant car il permet à la fois d’être en rapport avec une classe pendant une année et de réfléchir à des enjeux concrets du monde de demain. C’est très stimulant de pouvoir mêler la création littéraire aux questionnements écologiques actuels et bâtir avec les jeunes un projet commun. Surtout quand on écrit du roman pour les adolescents, comme je le fais. En mon sens, ce projet illustre bien à quel point la littérature et notamment la fiction peuvent donner des ailes aux sujets de société et permettre aux lecteurs de réfléchir sur de nombreuses choses.
Selon vous, quels moyens les auteurs aujourd’hui ont pour agir et faire évoluer la situation ?
Leur plume, tout simplement ! L’imagination est un outil très puissant et la fiction a toujours été un vecteur d’idées très fort. Grâce aux comparaisons, aux métaphores, à la poésie, notamment. Je crois vraiment en le pouvoir de la poésie et de la construction de mondes imaginaires pour faire passer des idées.
Propos recueillis par Cindy Mahout