Elsa Escaffre est une des autrices qui participe au projet Digi’Climat, porté par la Région Normandie, en partenariat avec Normandie Livre & Lecture.

Ce projet numérique lie un auteur de la région à un établissement scolaire autour de l’écriture d’une nouvelle inédite traitant des enjeux de l’écologie et de l’urgence climatique. Ce projet rejoint les préoccupations de Normandie Livre & Lecture qui propose depuis 2020 une réflexion régionale autour de l’écosystème du livre et de son impact écologique (social, matériel et symbolique).

Ainsi, après avoir proposé aux auteurs du projet Digi’Climat de regarder de courtes vidéos pédagogiques réalisées par le GIEC Normand, Normandie Livre & Lecture leur propose d’interroger le métier d’auteur et l’écosystème du livre à l’horizon 2100. Ils nous livrent, à travers ces interviews, des propos inspirants.

 

Au regard des synthèses réalisées par le GIEC normand (Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), pensez-vous qu’en 2100 les conditions de vie impacteront les thématiques d’écriture et l’acte créatif ?

Elsa Escaffre

Comme pour n’importe quel métier ou activité, oui, il est évident que les changements à venir auront un impact sur le travail de création. Je crois que ces questions-là infiltrent déjà les productions actuelles, de manière subtile et sans que les ouvrages ou les auteurs les revendiquent en premier lieu. Il n’est, selon moi, pas nécessaire de « traiter » frontalement cette thématique au sein d’un ouvrage pour l’invoquer. Des bribes, des fragments, des questionnements, des images, des formes poétiques peuvent jalonner un ouvrage et permettre au lecteur de développer une sensibilité à ces questions.

 

À votre avis, en vous projetant sur les scénarios décrits par le GIEC en 2100, quels seront les impacts de cette crise écologique sur la filière du livre ?

Les évolutions du coût du prix du papier témoignent déjà des influences du changement climatique, (liés au coût de l’énergie notamment) sur l’écosystème du livre. La filière du livre devra s’adapter et changer certaines de ces habitudes. Je ne crois pas que le livre papier soit abandonné au profit du numérique. La fausse croyance étant que le numérique est vertueux parce qu’on ne visualise pas directement l’empreinte carbone, le coût énergétique de la moindre manipulation numérique. Or, le livre papier est durable, il se transmet, s’échange, fait mémoire. Peut-être qu’un système d’impression plus propre verra le jour… Il existe tout de même des industries beaucoup plus énergivores et destructrices que la filière du livre et le travail de sobriété doit largement passer par elles.

 

Comment résonne en vous la participation au projet Digi’Climat ?

Il est important de faire naître des récits, des fictions, qui questionnent ces mouvements sociaux liés au changement climatique. Les « créateurs » peuvent proposer de nouveaux imaginaires, projeter des personnages, des vies, proposer de nouveaux regards sur cet avenir écologique. Les jeunes sont de toute façon très tôt sensibilisés à ces préoccupations environnementales ce qui fait qu’ils adopteront je crois (et j’espère) des comportements plus vertueux que leurs aînés parce qu’ils naissent et grandissent avec ces idées, ces projections en toile de fond. Aussi, je crois que leur rapport au Vivant est autre que celui des décideurs actuels. Ce travail de conscience, de sensibilisation, d’intégration est à poursuivre et ce, de différentes manières : par l’art, la littérature, tout comme l’information, l’action… Il faut également proposer, inventer de nouveaux « modèles », rendre de nouveaux choix de vie enviables et disponibles à l’imaginaire des jeunes.

 

Selon vous, quels moyens les auteurs aujourd’hui ont pour agir et faire évoluer la situation ?

Les auteurs, tout comme la filière du livre, sont déjà en partie engagés dans des changements. De plus en plus d’ouvrages traitent ces questions, que ce soit de manière scientifique, politique, sociale et / ou romanesque, poétique. Je pense qu’il est important de promouvoir ce type d’ouvrage sans pour autant oublier de faire vivre tout autre type de création. Il faut maintenir une diversité, une pluralité de productions littéraires (ceci concerne la question écologique tout comme d’autres thématiques).

Par ailleurs, c’est un effort collectif qui est à faire. Le livre ne suffit pas à faire changer le regard de toute une société. Le changement passera par la sensibilisation, la médiatisation plurielle, multisupport des questions écologiques, et bien sûr, via des choix politiques, industriels ou commerciaux engagés et efficaces.

 

Propos recueillis par Cindy Mahout

[Questions à…] Elsa Escaffre dans le cadre du projet Digi’climat