Gabrielle Schaff est venue à la Villa La Brugère en 2017, alors qu’elle était encore étudiante en Master Création littéraire au Havre. Elle participait au workshop organisé par le Master et animé par Marie Cosnay. L’année suivante, elle publiait son premier roman, Passé inaperçu, aux éditions du Seuil (coll. Fiction et Cie).

© Astrid Di Crollalanza

Gabrielle Schaff est née en 1982. Elle vit au Havre.

Après des études de littérature et de cinéma, elle réalise deux documentaires, l’un sur l’histoire de ses grands-parents lorrains incorporés de force dans l’armée allemande durant la 2ème Guerre mondiale, et l’autre sur l’érosion du littoral vue sous l’angle de la métaphore du temps qui passe : Contre vents et marées (2015)

Ayant pratiqué le théâtre amateur et semi-pro en tant que comédienne et metteuse en scène, elle a commencé à écrire une pièce de théâtre : Veules-les-Roses. Elle y reprend le thème de l’érosion qu’elle abordait dans Contre vents et marées. C’est sur ce texte qu’elle vient travailler à la Villa La Brugère.

Durant sa résidence, elle a travaillé sur Veules-les-Roses, un texte de théâtre ayant pour thème l’érosion, sujet qu’elle a déjà abordé dans un documentaire de création, Contre Vents et marées, en 2015.

L’érosion du littoral y est une métaphore du passage du temps sur la terre et les hommes qui la peuplent. Ce qui intéresse Gabrielle Schaff, c’est que l’érosion provoque la disparition de certains vestiges, mais permet en même temps de découvrir un passé plus ou moins lointain (en mettant à jour des fossiles, par exemple).

La 1ère partie de cette résidence a eu lieu du 2 au 17 septembre 2020.

Le 4 octobre, Gabrielle Schaff est intervenue lors de la rencontre Blockhaus, Data centers et érosion pour présenter des extraits de son film Contre vents et marées et lire des extraits de sa pièce en cours.

La 2ème partie de cette résidence a eu lieu du 21 au 29 novembre 2020.

Quelques jours avant la fin de sa résidence, Gabrielle Schaff s’est prêtée au jeu de notre interview.

« Veules-les-Roses » est une tentative d’épuisement de la cartographie d’un village.

Est-ce qu'il s'agissait de votre première résidence ?

C’est ma deuxième résidence littéraire. J’ai déjà été accueillie en résidence à Marseille par La Marelle en début d’année, pour un autre projet d’écriture, d’ailleurs soutenu par le CNL et Normandie Livre. J’ai aussi effectué plusieurs résidences de création cinématographique.

Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?

Je connaissais la Villa pour être venue en 2017 en workshop, avec le master de création littéraire du Havre, piloté par Laure Limongi. Le paysage m’a impressionnée, il est si particulier, marqué par une nature puissante et les vestiges de la Seconde Guerre mondiale. Au premier regard, j’avais du mal à distinguer les blockhaus, aujourd’hui digérés par la falaise, et les anciennes barges du port artificiel dans le brouillard, c’était difficile de les différencier des bateaux au large, ou des blocs de terre éboulés… 

Je savais aussi que le travail de l’équipe de la Villa Brugère était de grande qualité, que cette résidence était pensée pour favoriser la concentration.

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Qu'est-ce que vous appréciez le plus dans le fait d'être en résidence ?

J’aime surtout l’espace, mental et physique, offert par la résidence d’écriture. C’est une manière efficace de circonscrire un temps entièrement consacré à la création.

Le fait de croiser l’équipe organisatrice, en premier lieu Marie-Thérèse Champesme, mais aussi les autres auteurs accueillis à la Villa, et le public d’Arromanches, est également très stimulant. Je suis heureuse que l’équipe ait réussi à maintenir ces moments dans le contexte de la crise sanitaire. Je me suis sentie soutenue ici, cela m’a portée.

Comment votre résidence vous a aidé dans votre projet d’écriture ?

Dans mon texte en cours, la géographie du littoral révèle sans cesse l’histoire des lieux. L’érosion est vue comme la métaphore du temps qui passe, sur la terre et les hommes qui la peuplent. Ici, à Arromanches, je suis clairement plongée dans le décor de mon texte. C’est inspirant mais paradoxal car mes personnages de papier, eux, ne voient que des cartes, ils projettent leur voyage sans jamais le mettre à exécution. Je ne suis pas très solidaire avec eux, je leur inflige un sort différent qu’à moi-même. 

Aviez-vous des appréhensions/ des doutes sur votre projet qui ont pu être résolus pendant cette période ?

La rencontre avec le public, organisée par Marie-Thérèse Champesme et Daniel Foucard, m’a permis de lire le début de mon texte en cours et de tester les réactions car j’avais des doutes sur la forme choisie. Les retours m’ont confortée dans l’idée de garder ma forme (un dialogue entre deux personnes) mais à condition d’aménager des ruptures. J’ai ainsi gagné du temps de tripotage de cerveau à tendance procrastinatoire.

Dans le contexte particulier de cette année, comment avez-vu vécu votre résidence ?

C’est la première fois que je m’isole à ce point : seule dans une villa, dans une station balnéaire en hiver, qui plus est, en plein reconfinement ! Il y a une charmante ambiance post-apocalyptique, les oiseaux ont colonisé les enseignes et les stores de la petite rue commerçante. 

D’ordinaire, j’ai besoin de mouvement, mais là, j’ai vécu cette retraite comme une chance, profité de cette plénitude favorisant le travail mais aussi la rêverie, indissociables quand on écrit. Il faut dire que face à la mer, on ne peut pas ressentir d’enfermement. Elle donne un mouvement au quotidien, elle rythme même les nuits par le son des marées montantes et descendantes, on est en connexion permanente avec le monde extérieur.

Pourriez-vous décrire un moment fort de votre résidence ?

C’est un moment qui revient tous les jours, mais qui est à chaque fois nouveau, quand je monte sur la falaise en direction de Longues-sur-mer pour admirer la vue plongeante sur Arromanches d’un côté, et sur la campagne de l’autre. Tout est changeant dans cet environnement. La lumière, la météo, le ciel et même la terre : un champ labouré alors qu’il ne l’était pas la veille, les ombres portées, un nouveau pli dans le sol, etc. Une façon aussi d’éduquer le regard, de le renouveler. Comme quoi on en revient toujours au mouvement.

Un autre moment fort, mais qui n’est arrivé qu’une seule fois malgré tous mes efforts : quand j’ai oublié quel jour on était. 

Quelle suite pour votre projet d’écriture ?

Le texte se prête particulièrement à l’oralité, voire à la performance ou à la scène. J’aimerais continuer à le lire par fragments ici et là, par exemple lors de festivals ou de soirées littéraires. Cette mise en bouche aidera à donner la dernière impulsion physique pour achever l’écriture.

Propos recueillis par Cindy Mahout

[Questions à…] Gabrielle Schaff en résidence à la Villa la Brugère
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