Né en Alsace en 1983, Gregory Buchert est diplômé de la Haute Ecole des Arts du Rhin, de l’Université de Strasbourg, du Fresnoy-Studio national des arts contemporains et de l’ENSBA de Lyon. Il vit aujourd’hui à Lille.
Son travail artistique a été présenté dans des galeries et de nombreuses institutions françaises et étrangères, notamment au Centre Georges Pompidou, au CRAC Alsace, à Mains d’œuvres/Saint-Ouen, à la Kunsthaus de Bâle (CH), au Festival Loop à Barcelone, à la Motorenhalle de Dresde (DE).
Ses vidéos et ses performances questionnent souvent, avec humour, la notion d’échec. Elles sont nourries de nombreuses références littéraires.
Malakoff, son premier roman, est paru en mars 2020 chez Verticales.
Depuis, il a écrit pour la Villa Cavrois le texte d’une promenade littéraire et sonore : Contremarches en marbre noir de Belgique et autres nouvelles.
En résidence à la Villa La Brugère (Arromanches-Les-Bains/14) du 16 mai au 15 juin 2022
La résidence de Gregory Buchert se déroule en deux temps : du 16 mai au 15 juin et du 17 novembre au 16 décembre 2022. Elle est essentiellement consacrée au travail d’écriture de son prochain roman, Gens de la Médiathèque :
« En manque d’idées autant que de mètres carrés, un primo-romancier (possible rémanence de Gregor, narrateur de Malakoff), délocalise quotidiennement son travail d’écriture vers la médiathèque d’une métropole sans nom. Entre deux atermoiements, il observe les habitués souvent précaires qui, comme lui, hantent les salles d’étude en s’inventant une occupation. Cadres fraîchement licenciés, érudits patibulaires, sans-abris, généalogistes ou handicapés mentaux, loin de constituer une fraternité homogène, leur unique point commun est d’attendre chaque jour l’ouverture des portes et de ne repartir qu’après le rappel bienveillant des bibliothécaires. Mêlé à cette communauté de circonstance, le narrateur-spectateur prend note ; son œil navigue, s’interroge, zoome, isole et consigne des faits, des pratiques, des attitudes… »
Cette résidence se fait en partenariat avec la Médiathèque des 7 Lieux à Bayeux qui accueille l’auteur dans le cadre de son projet d’écriture.
Le 14 juin, Gregory Buchert y a fait une rencontre publique qui n’a porté que brièvement sur Malakoff. Il était surtout question du parcours de cet artiste devenu écrivain et de son projet en cours.
En préambule, pourriez-vous rappeler, en quelques lignes, le sujet du projet d’écriture que vous avez commencé ou poursuivi en résidence ?
Il s’agit d’un second roman, en gestation depuis quelque temps déjà, mais dont la rédaction à proprement parler a débuté à la Villa La Brugère. Il traite de ceux que l’on appelle, en bibliothèque, les séjourneurs, autrement dit des figures sédentaires dont la présence assidue et prolongée contraste avec le va-et-vient des abonnés « lambdas ». Il parlera de la façon dont on peut habiter un lieu, notamment public, en y inventant des usages, vitaux ou poétiques.
Est-ce qu’il s’agissait de votre première résidence ?
En tant qu’auteur, c’est la troisième, après une résidence de trois mois l’an dernier dans les Alpes, avec la Fondation FACIM, et une autre cette année au Lac de Grand Lieu près de Nantes, avec l’association l’Esprit du Lieu. Comme artiste plasticien j’ai eu l’occasion d’en faire sur l’île d’Ouessant, à Pont-Aven ainsi qu’à Malakoff, résidence qui d’ailleurs est l’origine de mon premier roman.
Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?
Au gré de leur programmation les résidences forment comme des familles, et beaucoup d’auteurs, d’autrices, d’artistes dont j’aime le travail sont passés par la Villa La Brugère et Route Panoramique : Hélène Gaudy, Philippe Vasset, Jean-Christophe Bailly, Pierre Mercier, Emmanuelle Pireyre, Nicolas Boulard etc. Et puis Marie-Thérèse Champesme, que j’avais eu l’occasion de rencontrer à Lille où je vis, dans le sillage du Fresnoy, m’avait invité à Arromanches il y a deux ans, à parler de mon roman Malakoff.
Comment votre résidence vous a aidé dans votre projet d’écriture ?
Je suis arrivé avec une idée de narration, précise, mais qui n’avait encore aucune structure. Ce nouveau projet restait très velléitaire. Alors concrètement, ce mois passé à Arromanches m’a permis d’élaborer un premier plan, une chronologie narrative, d’écrire deux chapitres, d’avancer dans des lectures théoriques, de sociologie notamment, qui viennent nourrir le projet. Ce mois m’a permis de confirmer des intuitions.
Dans le cadre de votre résidence, quelles sont les rencontres qui vous ont marquées ?
En plus de la présence intermittente de Marie-Thérèse Champesme, avec qui nous avons beaucoup dialogué, notamment pour préparer une rencontre aux 7 Lieux à Bayeux, à propos de mon travail, j’ai eu la chance de me trouver en résidence d’abord avec le cinéaste Ronny Trocker, puis avec le photographe Mathieu Lion, deux très belles rencontres, artistiques et humaines.
Comment la littérature et les arts visuels s’entrecroisent-ils dans votre travail ?
Le centre d’art comme le livre sont deux volumes blancs qu’il s’agit d’habiter, deux espaces que l’on traverse en y rencontrant des images, des mots, des idées.
Exceptées les questions de conservation et de diffusion, je ne vois finalement pas tant de différences.
Vous travaillez actuellement sur une commande artistique menée avec les habitants d’un village, pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?
C’est une commande qui m’a été passée par le programme des Nouveaux Commanditaires et la Fondation de France. Il s’agit d’accompagner, par la création d’une oeuvre, la démarche d’une poignée d’habitants de la ville d’Ault (en Baie de Somme) qui milite pour la réouverture du phare maritime communal. C’est une création visuelle, une installation, qui touchera à l’éclairage public de la ville. L’œuvre est actuellement en cours de production.
Résidence, commande artistique : comment ces dispositifs interviennent-ils dans votre parcours d’auteur ?
Ce sont des temps de travail et de rencontre très différents. J’aime bien cet extrait d’un tout petit texte de Dominique Noguez (Cinq notes nonchalantes sur le désoeuvrement) : « concevoir sa table de travail comme un piano de cuisinier où cuisent ou bien mitonnent, au four, au bain-marie, sur les plaques, à feu vif ou à feu doux, des travaux de nature et d’échéance différentes. Le plus habituel est une alternance de refroidissements et de réchauffements. Créer, c’est pratiquer l’art du réchauffé (et, souvent, l’art d’accommoder les restes). »
Quelle suite pour votre projet d’écriture ?
Minimum deux ans de labeur en vue, et je l’espère une suite avec Verticales, la formidable maison qui a publié mon premier roman.