Née en 1967 près de Marseille, Élisabeth Combres a vécu à Angers, Paris, Grenoble, Toulouse et Lima, au Pérou. D’abord journaliste indépendante, elle a réalisé des reportages en France, en Amérique latine et en Afrique, puis participé à des enquêtes au Maghreb pour Handicap International. Au début des années 2000, après avoir été rédactrice en chef du magazine « Mikado » (Milan Presse), elle s’est tournée vers l’édition jeunesse. Elle a coécrit avec Florence Thinard plusieurs ouvrages sur la guerre et l’information, avant de se lancer dans l’aventure du roman.
En résidence à la Lanterne des écrivains (Mortagne-au-Perche /61) entre le 4 septembre et le 5 novembre 2022.
Projet d’écriture en résidence :
Élisabeth Combres est venue travailler à un ouvrage sur les humains et la nature à travers l’Histoire et les sociétés, à destination des enfants et des adolescents. Ce projet sur notre rapport au vivant est au centre des réflexions contemporaines sur la nature et l’écologie. C’est un sujet complexe que l’autrice a à cœur d’expliquer aux enfants et aux adolescents.
Dans cet ouvrage entre philosophie et anthropologie, décryptage du réel et imaginaire, elle souhaite associer différents types de textes : des informations repères, des parties narratives, des questions pour lancer la réflexion.
Le 3 novembre, Élisabeth Combres, a proposé une rencontre « Sensations de nature » à la médiathèque de Pervenchères, autour de la sensibilisation au monde vivant, et à destination d’un jeune public.
En préambule, pourriez-vous rappeler, en quelques lignes, le sujet du projet d’écriture que vous avez commencé ou poursuivi en résidence ?
J’écris un livre documentaire destiné à un public jeunesse sur les liens entre les humains et le vivant. L’ouvrage tourne autour du mot « nature », se propose de réfléchir à sa polysémie, aux sens qu’il a pris, ou pas, au sein de groupes humains et de sociétés aux modes de pensée et d’existence très contrastés. Pour aller dans toutes les nuances de ces points de vue autres que les nôtres, l’ouvrage sera à la fois informatif et narratif.
Est-ce qu’il s’agissait de votre première résidence ?
Oui, c’était la première, mais sans doute pas la dernière.
Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?
J’ai découvert la proposition de résidence de La lanterne des écrivains par hasard, et j’ai aimé ce qui se dégageait du lieu, sur les photos. Le logement est au centre de Mortagne-au-Perche, une ville dont la taille permet facilement des escapades sur les sentiers. Je me suis très vite projetée dans cette proposition de résidence, qui correspondait bien à ma double démarche sur ce livre : à la fois un travail « au bureau », lectures, écoute d’entretiens, écriture, et un travail « en flânant » pour renouer avec ces postures que l’on peut avoir, enfant, dans la nature : tête en l’air, nez dans l’herbe, observateur, rêveur, collectionneur… Et je ne me suis pas trompée : je me suis très vite sentie chez moi dans ce lieu idéal pour écrire.
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans le fait d’être en résidence ?
J’ai apprécié de m’extraire pour un temps de mon quotidien et de gagner en concentration, en disponibilité d’esprit, en temps dédié, à toute heure, à mon projet d’écriture.
Comment votre résidence vous a aidé dans votre projet d’écriture ?
Elle m’a permis de prendre du recul, de laisser mijoter et se mêler les idées, de trouver des façons inattendues de relier les informations, de présenter certains sujets… Cette résidence a aussi été l’occasion d’expliquer ma démarche, de la mettre en mots et donc à distance, de la regarder autrement. J’ai pu avancer dans mes réflexions par le simple fait de décrire ce qui m’anime à des interlocuteurs attentifs, comme l’ont été les membres de l’association La lanterne des écrivains portée par la belle énergie de sa présidente, Claire Jeantet, mais aussi les responsables des médiathèques de Mortagne-au-Perche et de Pervenchères ou les libraires du Goût des mots, tous acteurs d’un réjouissant microcosme.
Aviez-vous des appréhensions/des doutes sur votre projet qui ont pu être résolus pendant cette période ?
Bien sûr, j’avais des doutes, des questions. J’en ai encore. La résidence m’a permis de trouver de premières réponses, et donc de faire apparaître de nouvelles questions, d’ouvrir une nouvelle période d’incertitudes, inconfortable mais féconde, comme c’est le cas après chaque étape importante des projets qui me tiennent à cœur. C’est de cette façon, il me semble, que peuvent se dessiner de nouvelles voies de recherche et de création.
Pourriez-vous décrire un moment fort de votre résidence ?
J’ai réalisé un atelier d’écriture sur les sensations liées au vivant, à la médiathèque de Pervenchères, avec l’aide précieuse de sa responsable, Romane Gérard. J’ai pu expérimenter une manière de « faire écrire » en lien avec mon parcours et ma façon d’appréhender le monde, à l’affût des détails qui disent l’étrangeté des êtres et des choses. Lors de cet atelier, les enfants ont pu toucher, sentir, écouter, froisser des feuilles, des plumes, des cailloux, des moisissures et autres trésors, auxquels j’ai ajouté des bandes sonores et des photos glanées au fil de mes balades, pour les amener à changer de regard, à s’autoriser des pas de côté. Je crois fort en l’idée que l’imagination est en lien direct avec le corps, avec nos sens, avec tout ce qui s’inscrit en nous à notre insu.
Dans le cadre de votre résidence, quelles sont les rencontres qui vous ont marquées ?
Lors de l’atelier à Pervenchères, un des enfants est resté longtemps en retrait, puis il a finalement noirci deux pages de petites strophes aux motifs surréalistes. Cette partition étonnante a dessiné un espace foisonnant où ce qui s’était dit, perçu, échangé durant l’atelier était transformé, reconstitué, raconté d’une manière à la fois très personnelle et marquante pour autrui. C’était émouvant de voir cet enfant trouver son geste créatif et de recevoir, dans le même temps, sa vision de mon atelier.
Quelle suite pour votre projet d’écriture ?
J’ai encore des textes à écrire, dont une partie plus narrative. Et j’ai des ateliers à développer, en lien avec ce rapport au monde, intuitif et sensoriel, que l’on porte tous en nous, mais que le monde moderne et l’âge adulte effacent ou enfouissent si l’on n’y prend pas garde.
Propos recueillis par Cindy Mahout
Ce projet a bénéficié d’un soutien de la DRAC de Normandie et de la Région Normandie au titre du FADEL Normandie.