Et c’est moi que je vois est un ouvrage carré, comme à l’habitude, publié par les éditions du Vistemboir. Il est constitué de photographies prises « sans trucage avec [mon] téléphone mobile », dit l’auteur, en regard desquelles il propose des textes ciselés qui déploient l’image avec beaucoup de sensibilité. Nous connaissions l’auteur et l’éditeur François David des éditions møtus, nous découvrons ici l’écrivain de l’intimité.

Ainsi, on pénètre dans un autoportrait poétique tendu d’une constellation savamment orchestrée d’événements marquants, de ces petits riens qui ont laissé une empreinte forte et qu’il déplie avec humilité. Le décentrage s’effectue progressivement dans la progression de ces « papiers collés » à la manière d’un Georges Perros, d’une image de soi, intime, vers des considérations plus philosophiques, graves et légères à la fois, et dont la portée devient universelle. Les textes sont courts, précis et rythmés, et l’auteur recourt volontiers au néologisme pour exprimer ce que le vocabulaire usuel ne peut formuler. Leurs titres sont placés en bas de page.

Une réussite qui n’emprunte nullement au mantra de l’autofiction, mais qui, cependant, se développe poétiquement à partir du réel, de son réel.

 

Dominique Panchèvre 

Et c’est moi que je vois de François David. Éditions du Vistemboir, 2020.

Mots choisis

Le premier texte et la première image sont les propos liminaires et annoncent la couleur :

« Il n’est pas trop bien vu de se donner à voir. En photos comme en mots. Narcisse tout aussitôt à la face lancé. Et tancé. Alors que ce n’est pas forcément complaisance. Plutôt pour se connaître. Pour une fois, laisser entrer. En voisin de provisoire existence. Entrebâiller la porte. Soulever fût-ce un coin de voile. Et découvrir. Sous la surface. Parfois en la stupéfaction. Non seulement autre, mais jusqu’à l’antipode. Raison s’autoportrer. Oser. Dans la si pudique impudeur. En fraternité. En sororité. Pour se sentir un peu, sur cette terre, moins seul et seule et seules et seuls. Car cela se décline à tous les genres et tous les nombres. Rien de moins singulier que l’irrémédiable, que l’inextricable solitude. Et rien de moins unique et de tant précieux que la plus radicale unicité. Quoi qu’on croie. Aussi s’ouvrir la peau. Écarter le thorax. Prendre en ses mains son cœur saignant et le faire entrevoir un instant. Et entrentendre ses battements.

 

OBJECTIF »

[Chronique] Et c’est moi que je vois de François David