Voir plus loin, pour que subsiste la beauté

© Le Castor Astral

À la lecture du titre, on est d’abord surpris, voire inquiet, de cette étrange prédilection qui nous rappelle aux grandes heures de l’Église. Comment cet athée « qui ne se tait », ce grand amoureux des maudits poètes, en viendrait-il à céder aux sirènes fin-du-mondistes, aux thèses effondristes et autres trompettes de l’apocalypse ? Aurait-il rencontré Dieu, ou un de ces marchands de thèses complotistes ? Et puis, dès les premières pages, le nuage se dissipe. On plonge avec un immense plaisir dans cette invraisemblable épopée poétique qui se rit des temps et des références, faisant renaître Rimbaud le voyant, Cendrars l’aventurier, Brecht le dialecticien, dans des décors aussi colorés et voyageurs que les toiles de Chagall.

Il y a un goût certain de la provocation (« cette façon de remettre la réalité sur ses pieds », selon Brecht) faisant du réfugié un ange, et de l’ange un vigile en casquette, de l’abondance une pénurie, et de nos « familiarités électroniques » des inadaptations au monde archaïque. Et puis cette savoureuse pointe d’ironie que manie l’auteur, se moquant, comme Hermann Hesse, de la désuétude de la technologie pour nous avouer que sa « connexion » a quelque avance d’éternité sur les prochaines stations ferroviaires.

Reprenant ce sentiment répandu d’une fin proche et inévitable, Jean-Luc Steinmetz nous invite à nous libérer de la peur en portant plus loin notre regard :

« Pour que subsistent épars

Les seuls signes de la beauté

Qui soudain illumine

La pire matinée désespérée et mutilée. »

 

Patrick Verschueren

 

Vers l’apocalypse – Jean-Luc Steinmetz, Le Castor Astral

[Chronique] Vers l’apocalypse de Jean-Luc Steinmetz, Le Castor Astral