Naître, et après ?

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Le titre est explicite : grandir, c’est avoir la force d’endurer des épreuves sachant qu’au bout la mort nous guette. Pourtant, loin d’être morose, sous la couverture rose se cache une autobiographie poétique de toute beauté. Écrivaine de l’intime, Milène Tournier revient sur les trente premières années de sa vie à travers douze séquences qui vont du simple aphorisme au récit narratif.

Si Milène a bien failli naître morte, parce que prématurée, les mauvais souvenirs laissent vite place à une enfance agréable, une époque où chaque question trouve une réponse et où l’amour parental guérit de tout. Les deux séquences qui suivent l’enfance constituent une très belle transition vers l’âge adulte. Qu’il s’agisse des contes ou des méditations, on peut s’emparer de chacun d’eux dans l’ordre qu’on souhaite et savourer leur poésie : « Les oiseaux, / C’est pour pas / Que le ciel se perde » (p. 69). Avec le retour du « je » arrive le premier amour, brève histoire passionnelle qui s’achève par le départ de l’être aimé. De lui on ne saura pas grand-chose, si ce n’est le vide qu’il a laissé dans le cœur de Milène. C’est dans la géographie urbaine qu’elle trouve du réconfort : à l’instar du père qui photographiait les gens de la rue, la fille saisit le quotidien, les premiers travailleurs du jour, les passants, les clochards.

Entre Jacques Prévert et Thomas Vinau, Milène Tournier s’est fait une place. Avec un style qui lui est propre, une langue orale et spontanée, elle parvient à nous parler de nous, de cette drôle de vie, du temps qui passe et nous pousse à grandir.

 

Morgane Rohel

Mots choisis

"La peur de la vie, la peur de la mort, la peur de la mort de mes parents, la peur d’une vie entière avec mes parents, la peur de ne pas avoir d’enfant, la peur d’en avoir, la peur de l’an prochain, la peur de la moindre chose qui viendrait fissurer l’an prochain, la peur de l’hiver au premier jour enfin de juillet." (p. 104)

[Chronique] Se coltiner grandir de Milène Tournier