Les sonnets d’un passant passeur

Les flâneries d’un voyageur inspiré, observateur et partageur, entre rues de Chine et nid douillet familial. Entre deux villes, entre deux mondes, entre deux âges de la poésie.
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© Daniel-Claude Collin

Pierre Vinclair est un passant. Après avoir habité Tokyo quelque temps, il a vécu à Shanghai, qu’il se prépare à quitter pour une autre destination, peut-être la Malaisie. C’est donc un voyageur qui se déplace aisément à travers le monde. Mais c’est aussi un flâneur qui aime raconter ses promenades à travers la ville ou les petits moments d’un quotidien tranquille à la maison, comme la préparation du petit-déjeuner pour son épouse et ses deux fillettes.

C’est la vie quotidienne, à hauteur d’homme, mais traduite dans un format singulier par le poète enseignant. Au fil de ses déambulations dans les rues chinoises ou parisiennes, il multiplie les remarques, les impressions, les images qui le frappent ou l’attendrissent. Pierre Vinclair observe des pratiquants de tai-chi ou des adultes chinois, que les enfants appellent affectueusement « ayi ou shushu » selon leur genre. Il arrête son regard sur un espace libre, ancienne parcelle d’une concession que des particuliers cultivent.

Mots choisis

"Cultive le poème ainsi qu’un arbre étrange."

(Poème 12)

La singularité de l’ensemble de sonnets du poète enseignant surprend le lecteur. Certes, le cadre est bien celui du sonnet, mais un sonnet où les mètres bien respectés sont bousculés par un rythme qui rompt ces ensembles en de nombreux enjambements ou rejets, parfois très audacieux. Pourquoi ce choix quelque peu étonnant en notre époque de poésie très libérée ? C’est un défi, qu’on pourrait qualifier d’« oulipien ». En effet, si Pierre Vinclair est un passant, c’est aussi un remarquable passeur, passeur entre les genres, passeur entre les cultures – il fait partie de l’AEFE, Agence pour l’enseignement français à l’étranger –, passeur pour ses amis et parents auxquels il dédie chaque poème. Passeur aussi dans le temps : certains sonnets sont destinés à ses fillettes pour plus tard, quand elles sauront lire.

Pierre Vinclair est un poète passionné de poésie, de technique poétique. Non seulement il écrit mais, dans la seconde partie du recueil, il explique pourquoi et comment il élabore ses sonnets. Homme d’échanges, il rapporte ses discussions écrites – parfois en vers – avec des amis poètes ou des poètes qu’il a lus ou rencontrés : Laurent Albarracin, correspondant privilégié, Ivar Ch’Vavar, critique attentif et bienveillant. Pierre Vinclair est surtout un homme de partage. Lui qui a «repris» le Kojiki (épopée japonaise) et traduit le Shijing (poèmes chinois) pratique avec la même aisance le partage de la vie et des mots, ce lien essentiel en poésie, cet art du dire.

[Chronique] Sans adresse de Pierre Vinclair