Poète en terre normande 

La monumentale “anthologie des poètes en Normandie” due aux éditions Clarisse offre de belles découvertes.

Du grec ancien anthos(.eur) et lego (choisir), une anthologie est en quelque sorte un bouquet de poèmes. Avec les 600 pages de Riverains des falaises, on peut se demander si l’auteur, Christophe Dauphin, lui-même poète, n’a pas cueilli tout le jardin ! On ne le regrettera pas tant le pari de l’exhaustivité permet de faire des trouvailles amusantes, sympathiques et émouvantes.

Figurent dans cette anthologie des poètes nés, ayant résidé en Normandie ou l’ayant chantée. Ce que conceptualise le Normand d’adoption et chantre de la négritude Léopold Sédar Senghor par le mot «normandité».

Parmi les neuf chapitres à l’approche chronologique (du XIe siècle à nos jours) ou thématique, on remarquera « Poètes de la Renaissance et satiriques», « Poètes classiques et libertins», pour s’apercevoir toutefois que tous les classiques ne furent pas tous libertins, loin s’en faut. On y croisera des personnages peu sympathiques comme Georges de Scudéry, né au Havre en 1601, frère de Madame de Scudéry, qui a publié sous son nom des œuvres écrites par sa sœur! D’une manière générale, la normandité n’échappe pas à la règle poétique universelle qui veut que la femme, la muse, soit le centre d’intérêt principal du genre. Et pourtant, à l’exception de Lucie Delarue- Mardrus, la plupart des poètes sont des hommes.

Un intéressant chapitre est consacré aux « Poètes frères et sœurs des vagues», autrement dit les horsains ayant séjourné ou chanté la Normandie comme Victor Hugo, Pablo Neruda ou Oscar Wilde. Ce qui donne lieu à quelques voisinages surprenants, par exemple entre celui qui luttait sur la terre, Jean Prévost, poète mort au maquis en 1944, et celle qui «croyait au ciel», Thérèse Martin, alias sainte Thérèse de Lisieux. On (re)découvrira que Maupassant a d’abord tâté de la poésie avant d’opter pour le roman et le récit court. On s’étonnera de la présence de Gustave Flaubert qui ne fut que prosateur. Un parti pris acceptable tant la charge lyrique, baroque, exubérante de la description du festin de Mégara au début de Salammbô s’apparente au genre. Et puisque tout -nit par une chanson, évoquons le Normand de résidence que fut un temps Léo Ferré avec son célèbre Poètes, vos papiers. Ou le terroir normand comme passeport pour l’Universel… 

 

Joël Dupressoir

Riverains des falaises, Christophe Dauphin (dir.) – Éditions clarisse – 2010

[Chronique] Riverains des falaises aux éditions clarisse