Exercice de mémoire recomposée

Portrait d’une fille qui ne se ressemble plus est un livre à ellipses. Le narrateur, à partir du journal d’une jeune femme internée depuis sept ans dans un hôpital psychiatrique, et d’une lettre qu’elle a laissée après son suicide, s’attelle au travail de reconstruction de sa vie. Il s’adresse à la jeune femme.

© Dominique Panchèvre

Le cœur du récit se situe à l’hôpital, avec les personnages qui s’y trouvent. Des patients, nommés les « sans-tête », avec lesquelles la jeune femme avait tissé des liens, ainsi que l’infirmière de laquelle elle était proche, mais aussi les psychiatres. Il est également question du jeune homme blond et de la mère, qui s’emboîtent dans le récit précédent.

Le narrateur peint avec une brosse délicate ce qui semble être l’origine du traumatisme et qui a induit l’internement : la relation avec la mère et la rencontre avec le jeune homme blond. Pour la mère, il s’agit d’une esquisse. Pour le jeune homme blond, un scénario est élaboré, qui s’inscrit dans un choc mémoriel. La jeune femme ne sait plus, mais elle ne veut pas oublier.

Toute la finesse de l’écriture de Laurent Georjin consiste justement à tenter de reconstruire une histoire, à partir des éléments d’un journal dont le lecteur ne connaît pas le contenu. Cela fonctionne exactement comme le travail de mémoire, lorsque des images, des faits et des sensations semblent resurgir et que nous fabriquons notre souvenir, soit en réinventant ce qui manque au déroulé logique, soit en laissant des trous.

Une écriture qui, et c’est sa grande réussite, laisse au lecteur un immense espace d’imagination pour se fabriquer son propre livre.

 

Dominique Panchèvre

Mots choisis

« Tu es dans un doute qui te retire presque complètement à toi-même. Tu en arrives même à douter que tu existes vraiment. Ta réalité est-elle devenue inaccessible, aux autres comme à toi-même, au moment où l’illusion du bonheur a anéanti l’amour naissant ? »

[Chronique] Portrait d’une fille qui ne se ressemble plus de Laurent Georjin