Poésie reconstructive
Le premier agrément est de tenir entre ses mains les deux recueils de Spyros Tsovilis. Qualité du montage, qualité du papier et des caractères, choix de la couleur pour la couverture – bleu nuit pour l’un, terracotta pour l’autre. Tout concourt au plaisir des yeux. Et dès que vous ouvrez ces ouvrages pour les parcourir, les illustrations de Manon confirment cette impression initiale, tant par leur raffinement que par leur sobriété.
Quant aux poèmes, plutôt brefs pour la plupart, ils vous saisissent d’emblée et vous emmènent dans le monde du poète. Un monde d’errance et de déambulation placé sous le signe de l’eau – fleuve, mer ou eaux de la naissance. Il s’agit de « poèmes péripatéticiens » pour les Nychtoparorites et de « ronde » pour Minotaure. Les premiers protagonistes « sont celles et ceux qui errent la nuit […] comme à revers du monde » ; le second personnage s’adresse « aux compagnons de ronde et de labyrinthe » mais aussi « aux épis fauchés qui ont poussé plus robustes ».
Nous touchons là à l’événement qui « a changé le cours des choses », comme le constate l’auteur, fonctionnaire international travaillant à Bruxelles : un accident le blessa grièvement en 2007. Ces textes sont hantés par Éros et Thanatos, la fusion désirante se confrontant à la séparation, que ce soit perte ou éloignement. Mais loin d’un affrontement torturé entre ces deux principes fondamentaux, la poésie de Spyros Tsovilis est accessible, sans démonstration ni excès. Empreinte d’humanité et de simplicité, nourrie de délicatesse et d’élan, elle invite sobrement au partage.
Lisez, lisez ces poèmes. Et si vous avez connu semblable malheur, vous trouverez en ce poète un frère de vie et de poésie.
Daniel-Claude Collin
Nychtoparorites : Poèmes péripatéticiens et La Ronde de Minotaure – Spyros Tsovilis – Illustrations de Manon – Éditions La Feuille de thé, 2022