La virtuose dissection des fêlures humaines et de l’œuvre du temps.
Couverture des Éditions de l’Olivier

Il faut aimer la littérature étasunienne et pour l’aimer, il faut la lire.

Parmi les nombreux auteurs de talent écrivant outre-Atlantique, certains sont traduits en français et rencontrent avec bonheur les lecteurs du vieux continent.

Parfois, il arrive qu’un éditeur ait du nez.

Ce fut le cas des éditions de l’Olivier lorsqu’ils décidèrent d’accueillir Stewart O’Nan en 1997 avec Des anges dans la neige, récit qui met en scène un seul héros : le quotidien, avec son ordinaire, sa banalité, sa routine, l’écoulement inéluctable du temps lissant à les polir les situations les plus sordides, les plus complexes, les plus douloureuses, les petites joies, aussi. Il en résulte un texte qui exprime une poésie ressuyée à l’éclat compassé du bois flotté.

Le sixième des onze romans actuellement disponibles en français, Nos plus beaux souvenirs, traduit par Jean-François Ménard avec la fluidité et la régularité du sablier, est paru en 2005.

Ce roman est l’histoire d’un deuil qui se déroule entre deux samedis consécutifs. Après la mort d’Henry, le chef du clan Maxwell, Emily, son épouse, convoque ses enfants et ses petits-enfants, ainsi que la sœur du défunt, dans le cottage familial, au bord du lac Chautauqua.

Déroulée, l’histoire s’enroule également dans une langue calme autour des paradis perdus, au fur et à mesure que s’expose l’inventaire du décor, celui des bibelots et du paysage : enfance radieuse, cigarettes fumées au fond du canoë la nuit sur le lac, rires, mais aussi déceptions, ratages et non-dits.

Les histoires des uns et des autres sont cousues avec et au fil du temps. Un dépôt de mémoires tantôt organisées en strates telles les piles de draps aux alignements empesés, tantôt jetées pêle-mêle en un fouillis tiède de chambre d’adolescent.

De la couture à l’aiguille fine dans un geste d’écriture précis.

Ce roman familial montre l’inexorable intercalation et l’interdépendance des fêlures humaines et de l’œuvre du temps. Cela donne un morceau littéraire persillé, délectable.

 

Dominique Panchèvre

 

Stewart O’Nan – Nos plus beaux souvenirs (titre original Wish you were here),

Éditions de l’Olivier, 2005

Points, 2006

Traduction de Jean-François Ménard

 

 

[Chronique] Nos plus beaux souvenirs de Stewart O’Nan