[Chronique] Ma voisine est Indonésienne

Le fabuleux dessein d'Emmanuel Lemaire

Dans la vie, il arrive heureusement que l’on soit réveillé par quelque chose, ou par quelqu’un. Et pour notre auteur, ce quelqu’un prend les traits d’une voisine qui surgit dans son appartement comme un diablotin hors de sa boîte. Elle vient d’une région peu connue des habitants de l’Hexagone, l’Indonésie, plus vaste archipel du monde, avec plus de 13 000 îles, et premier pays musulman de la planète par sa population de 270 millions d’habitants.

Tout comme le nain de jardin dans Amélie Poulain, qui envoie de par le monde des cartes postales au père de l’héroïne, veuf inconsolable, cette voisine prend des photos, plus précisément des selfies, des divers monuments ou paysages de France, qu’elle envoie à sa nièce restée au pays des îles.

Elle rend compte ainsi de ses multiples voyages dans l’Hexagone à notre dessinateur, et celui-ci entreprend de nous les illustrer. Nouveau Montesquieu, Emmanuel Lemaire nous livre dans cet album enchanteur ses « Lettres indonésiennes », et ici Usbek laisse la place à Mme Ibu (« madame » en indonésien, une des langues malaises). On apprend que c’est la faute à Rimbaud si celle-ci s’est intéressée à la France au point d’en apprendre la langue et de devenir traductrice. Les véritables poètes ont ainsi de ces descendances...

Le dessin est vite composé, quelques traits suffisent souvent, sauf pour la représentation des villes ou villages, de leur architecture, la couleur y est absente sans que l’on s’en aperçoive, tant nous captive et nous entraîne cette histoire qui nous apprend, à travers ce filtre de la description de notre propre pays, quelques choses essentielles de l’âme et de la culture indonésiennes. Là où nous ont emmenés Emmanuel Lemaire et son hibou de bonheur.

Paul Hifaime

Ma voisine est Indonésienne, Emmanuel Lemaire, Éditions Delcourt, 2021 - Collection Shampooing