La belle errance d’un peintre-né

Histoire de peintres écrite par un peintre, L’Île batailleuse élève un hymne sensoriel  à la gloire de l’Ouest et à l’art de peindre.
© Dominique Panchèvre

Si vous souhaitez comprendre comment le jeune légionnaire Koenig quitte l’univers hostile et surchauffé de zones de combat pour ensuite tomber amoureux d’une campagne accueillante qui deviendra l’écrin sublime où développer son activité de peintre, vous entrez sans retenue dans le dernier ouvrage de Nicolas Rozier, L’Île batailleuse.

C’est un tableau entr’aperçu, lorsque l’errance de Koenig l’aura conduit dans un bocage normand reconnaissable mais jamais situé, qui va déclencher chez lui ce désir violent de peindre. Dès lors, la poursuite de ses pérégrinations n’aura d’autre but que de trouver cette communauté de peintres qui joue à cache-cache avec une ancienne mécène qu’ils ont quittée pour retrouver l’inconfort heureux de leur liberté de création, entre futaies, collines et bords de mer. Mais la quête ne s’arrête pas lorsqu’il les retrouve : avec eux, il se découvre peintre-né, il est stimulé, il progresse et pourrait devenir leur maître, toujours à la recherche d’une perfection qui demeure en deçà du rêve.

Nicolas Rozier est lui-même peintre. Il connaît la matière et le geste lorsqu’il faut donner les couleurs à la toile et à la poésie. Nous l’avions déjà remarqué lors de la parution de Tombeau pour les rares ou encore de Jacques Prevel poète mortel. Il nous livre ici un récit hors genre, empruntant aux univers du rêve, du fantasme, de l’épopée ou du thriller, sans jamais céder à la facilité des clichés, le tout façonné avec une langue maniant aussi bien le couteau que le pinceau trois-poils en hermine.

Ce livre est la très belle illustration de ce que l’errance – et l’attention aux rencontres – peut révéler, puis nourrir, pour qui recherche, dans l’acte de créer, la perfection et son aimant utopique, l’absolu.

Dominique Panchèvre

Mots choisis

" La palette entre les dents, le burin encore non forgé, forts duquel ils auraient à l’instant, tels des lieutenants de ce chef astral, ADMINISTRÉ
le coup de maître, testamentaire et magique où la toile s’éventre comme la fleur s’ouvre. "

[Chronique] L’Île batailleuse de Nicolas Rozier