Rassemblées et présentées par Gérard Pouchain, ces 262 lettres de Juliette Drouet sont adressées à sa sœur, son beau-frère, son neveu et sa nièce sur plus de trente ans (de 1850 à janvier 1883). Orpheline de parents et après la mort de sa fille unique, Claire, en 1846, Juliette va reporter sur son neveu, sa nièce par alliance et leurs enfants, toute son affection, elle en fera d’ailleurs son légataire universel. On découvre dans ces lettres une épistolière acharnée, qui écrit des lettres spontanées, affectueuses et généreuses que Juliette qualifie elle-même écrites « au débotté », « au galop de ma plume ». Elle reconnait avoir « une affection très prolixe et très bavarde ». Elle y adopte le même ton qu’avec son illustre amant « Jamais je ne pense que je t’écris, je crois toujours que je te parle » confie-t-elle à Victor Hugo le 31 décembre 1837.
L’éloignement géographique de ses proches (sa sœur et son beau-frère sont à Brest, son neveu d’abord étudiant en Allemagne avant de revenir en France) lui pèse en effet beaucoup : « Je dis que tu es un grand paresseux, mon cher neveu, de mettre tant d’intervalle entre chacune de tes élucubrations épistolaires à moi adressées », et elle attend de son entourage la même assiduité et endurance épistolaire « je demande, j’exige, j’ORDONNE au besoin une grande, grosse, grasse, longue large lettre ».
Ce recueil ne comprend pas de lettres adressées directement à Victor Hugo, mais l’ombre du grand homme est évidemment très présente dans cette correspondance où il y est désigné par les initiales M.V.H., ou « mon illustre ami », ou bien « mon cher grand proscrit ». La fidèle Juliette le suivra ainsi dans tous ses voyages et exils à travers l’Europe, comme en témoignent les lettres, expédiées de Paris, de Guernesey, de Bruxelles, de Suisse ou d’Allemagne. « Je ne sais pas encore dans quelle contrée nous irons cette année » confie-t-elle à son neveu le 4 juin 1865… À travers les détails d’intendance domestique, les nouvelles se rapportant à la santé de sa famille ou de celle de Victor Hugo, ce sont autant de témoignages intimes qui apportent un éclairage indirect sur le quotidien de l’illustre auteur.
Cette correspondance familiale est conservée à la médiathèque communautaire la Clairière à Fougères, ville natale de Juliette Drouet et elle couvre la période allant de septembre 1850 à janvier 1883 (peu de temps avant sa mort).
Mots choisis
« Il est probable, pour plus de sécurité de santé, que nous prolongerons un mois ou deux encore notre séjour en Belgique. M.V.H. compte y finir Les Misérables. Quant à moi, la patrie est où il est, le bonheur partout où sa santé rayonne. Aussi je n’ai aucune peine à vivre ici tant qu’il s’y trouvera bien ».
Lettre de Juliette à son beau-frère, Bruxelles, 24 avril 1861.