Carnaval de Venise, 1740. Une série de crime à la mise en scène aussi spectaculaire que soignée assombrit les festivités et ébranle le Doge, les victimes étant des membres influents de son gouvernement. Est-ce une tentative de déstabilisation de la part d’une puissance étrangère ? Quels sont, à part leur appartenance au gouvernement, le point commun entre les victimes ? Un jeune noble et son ami écrivain, mus autant par la curiosité intellectuelle que devant l’impuissance des forces de l’ordre, vont se lancer à la poursuite du ou des meurtriers et devoir frayer dans les milieux nobles et populaires où tout le monde avance masqués pendant le Carnaval… L’exubérance des festivités de la Sérénissime peine à cacher son déclin annoncé. La ville est aussi traversée par de nouveaux courants de pensée, comme les idées des Lumières, les loges secrètes d’inspiration maçonnique et la question de la place des femmes dans cette société patriarcale.
Robert Delaroche signe ici son premier roman policier historique. Responsable de la maison d’édition la Tour verte, en Normandie, ses lecteurs reconnaitront dans cet opus deux thèmes chers à son cœur, Venise, qu’il connait très bien et, plus discrets mais bien présents… les chats ! Il mêle aussi dans sa narration personnages historiques et personnages de fiction. Ainsi, Flavio Foscarini, le protagoniste qui nous livre sa première enquête mais dont on a l’intuition que ce ne sera pas la dernière, est accompagné de Gasparo Gozzi, écrivain et journaliste vénitien qui a réellement existé. Parsemant le texte de mots italiens (dont on retrouve la traduction dans un glossaire) Robert Delaroche plonge le lecteur dans le dédale brumeux des ruelles et îles de la lagune à la poursuite d’un meurtrier insaisissable.
Mots choisis :
« -Eh bien voici comment se sont déroulés les faits. Le premier meurtre eut lieu sur la Piazza. Pantaleone Ruzzini, costumé en ours, fut frappé par une flèche dans l’œil par un jeune homme travesti en Cupidon. Ensuite, on vit la tête de Marcello Scudi, accrochée aux rubans ornant celle de la Fortune, à la Douane de la mer. Puis ce fut ce cheval fou qui traîna le corps de Ferruccio Basani jusque sur la Piazza. A deux pas de là, on retrouva par la suite les deux frères jumeaux Crispino et Crispiani Dolfin, assis sur les lions proches de la basilique, un poignard planté dans le dos. Pour finir, Girolama Zanella fut émasculé dans une ruelle de San Polo, par une nuit de brouillard. Quel est à votre avis le dénominateur commun de ces crimes ? »
Valérie Schmitt
La vestale de Venise, Robert Delaroche, éditions du 81, 2019