Au pays du Matin calme, l’été est meurtrier
Matin calme, jeune maison d’édition, a publié avec succès son premier roman, Sang chaud de Kim Un-su, en janvier 2020. Malgré cette année perturbée, l’éditeur publie son 8e roman un an après : Été, quelque part, des cadavres, de Park Yeon-seon. Si nous sommes au pays du Matin calme, la Corée, les textes le sont beaucoup moins car il s’agit de romans policiers et de thrillers à la noirceur multiforme.
Musun, jeune Coréenne de Séoul âgée de 20 ans se retrouve seule avec sa grand-mère, Mme Hong Gannan, octogénaire vivant à la campagne, après que ses parents l’ont laissée près d’elle à la suite des obsèques du grand-père. La petite-fille et la grand-mère, aidées par Chang-hui, le fils adoptif de l’héritier des Yu, vont se trouver associées pour démêler une énigme vieille de quinze ans : lors d’un rassemblement où tout le village était convié, quatre jeunes filles ont disparu et n’ont jamais été retrouvées.
Conçu comme une enquête qui dure six semaines, avec indices, fausses pistes et quiproquos, le roman brille par sa galerie de personnages. Chacun est une des pièces du puzzle des disparitions et du meurtre qui sera perpétré dans les dernières pages. La narratrice est Musun, mais le texte alterne, d’une part, entre son récit et les dialogues et, d’autre part, par le balisage des treize chapitres avec un texte court intitulé « Vision kaléidoscopique » dans lequel la future victime prend la parole. C’est la petite chronique d’une mort annoncée. Le dénouement éclaire cet entrelacs ; il agit comme un révélateur photographique, et le rôle de chacun des personnages au dénouement de l’énigme sera identifié.
La cohabitation et les échanges de la petite-fille et de la grand-mère dressent par ailleurs une peinture saisissante de la distance qui existe entre les modes de vie urbains et ruraux en Corée. Tout les oppose, même si une très pudique tendresse unit en filigrane Musun et Mme Hong Gannan, et qu’elles se complètent merveilleusement pour résoudre les énigmes.
Enfin, les treize chapitres et le post-scriptum ne constitueraient-ils pas la métaphore laïque d’un chemin de croix, celui du futur assassiné, la quinzième possible station – la résurrection – étant la lumière faite sur l’origine de Chan-hui, si joliment nommé « Apollon » par Musun ?
Mots choisis
« Lorsque je me suis réveillé ce matin, jamais je n’aurais imaginé que j’allais mourir aujourd’hui. C’était une journée sans rien de particulier. Je me suis levé à la même heure que les jours précédents, j’ai mangé du riz avec les restes d’hier, j’ai rencontré les gens que je vois tous les jours et j’ai travaillé comme d’habitude. J’ai beau réfléchir, je ne vois pas de différence entre aujourd’hui et un autre jour. "
Dominique Panchèvre
Été, quelque part, des cadavres - Park Yeon-seon, Matin calme, 2021
Traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Mathilde Colo