photo livre du soleil sur la pente
©Daniel-Claude Collin

La vie comme elle va…

Le recueil de Morgan Riet nous invite dans son quotidien, un quotidien qui semble banal avec ses routines, ses imprévus ; les joies se mêlent aux contrariétés. Entre les commissions à faire au supermarché, « terre hostile » ivre de matérialisme en ses codes obligés, et les footings détendus en compagnie de sa famille à bicyclette ou d’un compagnon avec lequel on échange des propos sur ce qu’on vit et ce qu’on a vécu, les temps de repos dans le jardin ou les obligations de la profession, le cours des jours se déroule simplement comme les poèmes, en vers libres plutôt courts sans aucune pesanteur

va-et-vient

                  des autos

sous la pluie

                                        sur l’avenue, au loin –

Le titre de ce recueil n’est pas exempt d’une certaine nostalgie : le « pente » suppose une descente, voire la deuxième partie d’une vie quand on pense avoir atteint le mieux de son être. Toutefois, il y a « du soleil » et les joies tempèrent souvent le vague à l’âme dans cette existence parfois tiraillée entre le présent et le passé. Le regret

Ne rien réveiller…

comme si

les blessures anciennes

pouvaient se refermer

se dissout au contact du bonheur et d’un amour évident:

Les baisers des enfants

et ton sourire

autour…

« Monsieur tout le monde dans son train-train », diraient les inattentifs ou les réalistes au premier degré. Ce serait oublier qu’il faut toujours se méfier de la simplicité apparente des poèmes : ne négligeons jamais la distance poétique indispensable à leur surgissement. Dans ses textes sans aucune afféterie, Morgan Riet donne à voir et à entendre une réalité toujours ouverte dans son ordinaire :

 

Au loin, porté par le vent,

             un train qui passe,

aussitôt poursuivi,

depuis mon salon,

                     par la vapeur d’un rêve

Le poète ne se laisse pas enfermer par les limites ou les conventions, souvent trop étroites pour saisir la complexité du monde vécu en multiples échos intérieurs. Il interroge même le discours du « berger », ce diacre qui mène la cérémonie pour le décès de « l’oncle Émile » qui serait au « paradis » « avec pour stewards des anges ». Plus grave, plus retenue, plus pudique la visite sur la tombe de celui ou celle qui se rendit

au silence qui fut,

un jour de novembre,

au bout de ton geste

                            désespéré – 

                              ment notre poids.

Vers rompu à l’image de l’existence des uns et des autres désormais chargée de silences que le jeune enfant « Elliott » saura lire « bien assez vite ».

Mais il y a « du soleil sur la pente » et la plupart des échappées de Morgan Riet sont empreintes d’un bonheur tranquille stimulé par une imagination toujours aux aguets. Un terrassier creusant une tranchée dans la rue suscite un texte, des fourmis dans le jardin entraînent le poète dans leur monde étrange et rétréci. Et puis il y a Berlioz, le chat de la maison miaulant au petit matin pour rentrer au bout d’aventures nocturnes :

peut-être aurais-je,

un peu plus tard,

la joie, le privilège

de l’entendre –

au long cours d’une caresse –

me les ronronner par le menu.

 

Daniel-Claude Collin

 

Du soleil sur la pente, de Morgan Riet, éditions Voix tissées, 2019

 

[Chronique] Du soleil sur la pente de Morgan Riet