Des fils sonores pour tisser la mémoire

La poésie ou l’investigation sensible du son pour une mémoire vivante.

Un texte d’une grande subtilité de Sandra Moussempès.

© Dominique Panchèvre (arrière-plan, huile originale © Isafa - 2011)

En quoi une œuvre littéraire marque-t-elle le lecteur ? Parce qu’elle est singulière. Celle de Sandra Moussempès l’est de bout en bout. Dans Cinéma de l’affect sont convoquées différentes strates de la mémoire en une succession de tableaux sonores, un peu comme les images rémanentes des rêves qui s’enchaînent dans une apparente incohérence au réveil, en suggérant malgré tout une séquence intelligible. Celle d’Angelica Pandolfini, cantatrice et ancêtre de l’autrice, celle de l’amour, celle de la mort qui peut sembler clore toute chose, celle des objets qui font circuler cette mémoire.

Et c’est en cela que le texte est singulier. Il forme un entrelacs souple et solide, généré par le poème, s’emparant de la mort ou de la finitude des choses afin d’opérer une transmutation. Alchimie dont la pierre philosophale serait le son, et plus particulièrement la voix. La voix qu’on enregistre, celle qui appelle les esprits ou cherche les fantômes, celle qui dit « je t’aime » ou se souvient de l’avoir dit sincèrement, celle qui chante derrière le texte et avec laquelle l’autrice dit également sa poésie à haute voix.

Être mystique, c’est repousser l’inexorable objet d’une fatalité ou d’un romantisme qui chercheraient à nous persuader que la mort ne serait que l’accomplissement de l’impossible. Mysticisme et romantisme sont présents dans Cinéma de l’affect, et c’est avec une grande subtilité, y compris dans la structure du texte, que Sandra Moussempès tisse la mémoire, nous disant en cela que les événements que nous avons vécus, comme ceux que nous n’avons pas vécus mais qui ont contribué à nous façonner, forment un tout qui nous marque durablement dans notre chair.

Il est bon de souligner que les éditions de l’Attente participent pleinement à ce tissage, nous permettant ainsi de donner à entendre la beauté de ce texte en un film singulier.

Dominique Panchèvre

Mots choisis

« On converge ainsi vers le dénouement traditionnel, la captation de la prothèse émotionnelle qu’un automate lanceur d’alerte pourra faire dévier de sa trajectoire, l’émotion et la voix partant du même axiome de base : les cordes sensibles s’accouplent tandis que les cordes vocales se dédoublent. "

[Chronique] Cinéma de l’affect (Boucles de voix off pour film fantôme) de Sandra Moussempès