Dans son avant-propos, Werner Lambersy souligne l’influence de Nietzsche et de Schopenhauer sur les symbolistes bulgares mais également celle de la poésie française, allemande et russe. De plus, ces poètes voyagent beaucoup en Europe ; on comprend ainsi le titre choisi par le traducteur. Toutefois, loin de l’universalisme revendiqué par les symbolistes français, par exemple, leurs homologues bulgares, pourtant curieux des autres cultures, se tournent volontiers vers leur propre culture et leur histoire ; étonnamment, ce recours à leur « tradition » ne les empêche nullement d’atteindre l’universel.

© Daniel-Claude Collin

Si le symbolisme suppose, selon Rémy de Gourmont, « individualisme… liberté artistique… goût pour la nouveauté et refus des enseignements précédents… tendance à rechercher le nouveau, l’étrange voire le bizarre… », les symbolistes bulgares ont été marqués également par les conflits qui ont marqué leur pays en cette fin du XIX ᵉ siècle et début du XXᵉ. Sans compter les épreuves difficiles qu’ils ont traversées à titre personnel tel Peyo Yavorov, injustement accusé de meurtre et qui se suicida.

Quand on lit ces divers poèmes, ce qui frappe est la constance d’un sentiment de manque, entraînant une quête incessante car vouée à l’échec. La mort, l’absent ou l’absente – aimée, homme ou Dieu – tournent souvent l’« âme » de ces poètes vers l’ailleurs, l’espace infini ou l’incompréhension de ce qui gît au fond de leur être. Quelque chose remue en eux qu’ils ne cernent pas et qui se traduit par un recours fréquent à une synesthésie censée les éclairer par cette « perception simultanée » qu’elle engendre et que souligne Yordan Eftimov dans sa postface.

Il faut rendre hommage à Krassimir Kavaldjiev d’avoir traduit ces poèmes en en respectant la versification autant qu’il se pouvait, fût-ce au prix d’acrobaties grammaticales, peu nombreuses, il est vrai. Ce dernier point n’aurait d’ailleurs pas déplu aux symbolistes qui appréciaient la bizarrerie.

 

Daniel-Claude Collin / juin 2021

Des âmes vagabondes, Editions Le Soupirail, 2021

Choix des poèmes, notices biographiques et traduction du bulgare établis par Krassimir Kavaldjiev

[Chronique] Des âmes vagabondes, anthologie de poètes symbolistes bulgares