« La Femme grenouille » de Niillas Holmberg : un plaidoyer pour la culture same
Samu, un jeune Finlandais, prend ses fonctions de bibliothécaire dans la commune la plus septentrionale de Finlande, Ohcejohka, le long du fleuve Deatnu qui marque la frontière avec la Norvège, en plein territoire du peuple same. Il s’éprend très vite d’Ellé, une artiste peintre same reconnue et pressentie pour représenter son pays à la Biennale de Venise. Mais lorsque la grand-mère de cette dernière décède, Ellé décide de ne pas se rendre à l’enterrement et de partir vivre dans la forêt renouer avec le mode de vie ancestral. Elle va rejeter toute modernité, y compris sa pratique artistique. Ellé maintient toutefois le lien avec son compagnon en lui faisant parvenir ses rêves, qui seront autant d’énigmes à interpréter pour Samu, autant de défis à relever pour le jeune homme peu familier de la symbolique same et de la psychologie. En se plongeant dans les essais de Jung et Freud pour les décrypter, il espère ainsi ramener Ellé sur le chemin de la création, et par là même vers lui.
Mais comment se sentir pleinement au monde quand on est tiraillé entre deux cultures ? Comment se réaliser en tant qu’artiste et individu quand cette souffrance pousse jusqu’à la schizophrénie ? Et quelle place laisser à l’Autre ? La figure de la grenouille dans la mythologie same pourra peut-être aider Ellé à accepter ces oppositions, elle qui vit à la fois sur terre et dans l’eau.
Né en 1990, Niillas Holmberg est un poète, musicien et activiste same. Il a reçu en 2023 le prix finlandais Eino Leino pour l’ensemble de son œuvre. La Femme grenouille, son premier roman, a été salué par la critique comme « La Montagne magique du peuple same ».
Valérie Schmitt
Mots choisis
« Cela se produisait quand le développement de sa carrière artistique – que ce soit peindre, développer son réseau ou prendre l’avion pour aller accrocher des expositions – lui faisait manquer des saisons critiques où elle aurait dû faire ceci ou cela en forêt. Elle avait essayé de mener les deux de front mais, apparemment, composer une œuvre d’art ou un sac en cuir de renne tanné étaient deux activités aussi exigeantes l’une que l’autre, demandant une concentration totale et exclusive. Les deux travaux se télescopent, vacillent et s’écroulent, le tout lui tombe sur la tête et l’accable d’un double sentiment d’insuffisance. »