Medhi Javaherian Rad, en résidence à Veules-les-Roses pour écrire entre histoire et mémoire
Du premier choc littéraire à la concrétisation d’un projet romanesque en Normandie, ce récit d’un auteur en résidence en juin 2025, dévoile les sources de son inspiration, l’importance des liens culturels et l’espoir que la littérature demeure un pont entre les mondes.

Pourriez-vous, en quelques mots, vous présenter ?
Mon aventure d’écrivain a débuté dès l’âge de dix ans. Fasciné à l’origine par la magie des films sur cassette vidéo, j’ai également trouvé un refuge dans les pages des livres. Tout a commencé après avoir vu une adaptation de L’Appel de la forêt de Jack London. Mon père m’a alors tendu un exemplaire du roman : c’est à ce moment-là que j’ai découvert la puissance extraordinaire du récit. J’ai compris que l’art de créer un film naît d’abord de l’écriture et si j’ai finalement choisi d’étudier le cinéma et d’entrer en école spécialisée, c’est pourtant ma passion pour l’écriture qui s’est épanouie dès le premier semestre. Je me suis lancé dans l’écriture de scénarios, de nouvelles, et même dans la traduction de poèmes de l’anglais vers le persan. Mais il a fallu attendre vingt ans et la lecture d’un autre roman de Jack London pour que ma trajectoire prenne un tournant décisif. Ce livre, Martin Eden, a éveillé en moi le désir ardent de consacrer ma vie à l’écriture de romans.
Pourquoi avoir choisi ce lieu de résidence ?
Le roman que j’ai proposé pour la résidence à Veules-les-Roses s’articule autour de la vie du célèbre peintre iranien Kamal-Ol Molk qui, vers 1900, est venu en France pour s’ouvrir à l’art moderne. Durant son séjour à Paris, il s’est lié d’amitié avec Henri Fantin-Latour et y a vécu quatre ans. Au fil de mes recherches, je me suis aussi intéressé à un groupe de peintres russes qui, à la même époque, sont venus en France. Si j’ai choisi de candidater auprès de cette résidence, c’est parce-qu’il se trouve que la ville de Veules-les-Roses a accueilli, au cours de son histoire certains de ces artistes remarquables, connus sous le nom des « Ambulants ». Étudier leur œuvre, leur vie et leurs réalisations en France a considérablement enrichi ma compréhension du personnage de Kamal-Ol Molk dans mon roman.
Qu’appréciez-vous le plus dans la résidence ?
Un espace vibrant pour explorer mon projet, une résidence exceptionnellement bien dotée, et la magnifique bibliothèque du XVIe siècle (Bibliothèque de Veules-les-Roses) transformée en paisible cabine de travail. Les formidables opportunités offertes par la librairie « Les Mondes du Zulma » et les éditions Zulma m’ont permis de participer à des rencontres d’auteurs et de partager mon parcours. La famille Angelini m’a également accueilli chaleureusement, veillant à ce que je ne manque de rien pour me consacrer pleinement à mon travail durant un mois entier. J’ai eu le privilège non seulement de mener mes recherches, mais aussi de rendre hommage à Veules-les-Roses et à ses habitants à travers un long poème, que j’ai fièrement récité lors de mon dernier jour.
Un souvenir ou une rencontre marquante pendant la résidence ?
Ce que je préfère dans la découverte d’un nouveau lieu, c’est la rencontre avec de nouvelles personnes. Sans ces échanges, voyager n’aurait pour moi que peu d’intérêt. Parmi les souvenirs marquants, il y a eu les rencontres avec des poètes, peintres et artistes vivant à Veules-les-Roses. Mais le moment fort fut la rencontre avec Madame Laure Leroy, fondatrice des éditions Zulma. Sa personnalité, son engagement à faire découvrir la littérature du monde au public français et son action culturelle m’ont profondément inspiré.
Quelles sont les prochaines étapes pour votre projet d’écriture ?
J’aimerais retourner dans mon pays pour achever mon roman. J’espère aussi qu’il sera bientôt publié, à la fois en persan et en français, dans les deux pays. Surtout en cette époque où la guerre et la destruction étendent leurs ailes sombres sur le monde, la littérature demeure ce qui unit les peuples au-delà des frontières et des cultures. La littérature est toujours le dernier espoir de l’humanité pour construire et préserver un monde meilleur.
Propos recueillis et traduits de l’anglais par Mylène Heigeas.