Marie Nimier : « l’exploration d’autres genres m’est devenue indispensable »
Marie Nimier aime rencontrer son public, mais assurément pas stylo en main et derrière une pile de livres. « Plutôt que la séance de dédicace qui formate la rencontre, ou le questions-réponses qui m’oblige à parler de mon livre, je préfère livrer un autre éclairage du texte, en proposant une création originale avec des danseurs, des musiciens, des plasticiens… »
Pour Les Confidences, elle a produit une lecture avec le peintre Patrick Pleutin. Pour Petite sœur, ce fut au son cosmique du cristal Baschet, avec la Caennaise Karinn Helbert. En avril 2024, pour Confidences tunisiennes, Marie Nimier montera cette fois sur scène avec la comédienne Naidra Ayadi.
D’où vous vient ce goût de la transmission de vos textes sous une forme scénique ?
«J’ai commencé par le théâtre de rue, je me produisais beaucoup et en parallèle j’écrivais des chansons. Ce n’est qu’à 26 ans que j’ai commencé à me concentrer entièrement sur l’écriture romanesque, pendant une bonne dizaine d’années. J’avais besoin de cette forme, de cet isolement propre à l’écriture romanesque.
Puis peu à peu, les rencontres m’ont amené à varier les formes d’écriture. Les hasards de la vie, mais aussi le besoin de retrouver un souffle plus collectif, de sortir de son bureau, qu’il s’agisse de livres pour enfants, de théâtre, de chansons… »
« Pour chaque livre que je publie, je prépare une performance scénique. »
L’exploration d’autres genres artistiques est une de vos caractéristiques. Pourquoi ?
« Je me considère comme une romancière avant tout, mais l’exploration d’autres genres m’est devenue indispensable, pour rester en vibration avec la vie, avec les autres. C’est devenu ma façon de fonctionner : m’enfermer de longs mois pour un roman, puis en sortir.
Aujourd’hui, pour chaque livre que je publie, je prépare une performance scénique. J’imagine une forme pour le présenter, plutôt que la simple rencontre en mode « questions-réponses », suivie d’une dédicace. C’est pour échapper à la paraphrase, j’ai du mal à parler de mes propres textes et la meilleure réponse que j’ai trouvée, c’est d’éclairer autrement le texte avec des danseurs, des musiciens, des plasticiens… »
Des exemples ?
« Pour la sortie des Confidences, j’ai monté une lecture avec le peintre Patrick Pleutin. Pour La Plage, j’ai travaillé avec des danseurs, pour Petite sœur avec la Caennaise Karinn Helbert, pour une mise en musique du texte au Cristal Baschet, un instrument incroyable. En avril, pour Confidences Tunisiennes, ce sera avec la comédienne Naidra Ayadi, je serai un peu plus à l’arrière-plan, mais je l’accompagnerai tout de même. »
Comment préparez-vous des rencontres scéniques, c’est beaucoup de travail ?
« Oui, c’est très travaillé, je ne me contente pas d’extraire des passages de mon livre pour en faire autre chose. Je produis une petite forme du roman, un texte inédit d’une trentaine de pages, de quoi alimenter une lecture d’une heure. Mais ce n’est pas si nouveau pour moi, par le passé, j’ai aussi écrit pour des performances pour La Grande Veillée, dans le cadre du festival Automne en Normandie. Mes textes pouvaient se mêler à de la musique jouée forte ou de la vidéo… J’essayais de proposer des textes tenus, dans un style romanesque, à l’opposé de la fulgurance poétique. »
C’est une bonne façon de mettre le livre en valeur ?
« Oui, il faut se battre pour vendre ses livres aujourd’hui. Je constate que de plus en plus d’autrices et d’auteurs apprécient, comme moi, de sortir de leur bureau, pour une lecture ou davantage.
Ce type de proposition permet de rencontrer autrement le public. En dédicace, il est rare qu’une vraie rencontre puisse s’établir. À l’inverse, quand on a fait une lecture, on a donné quelque chose et l’échange qui suit avec le public a une autre dimension. Il y a eu un partage. Je me sens alors plus libre pour parler du moment qu’on vient de passer et de la phase d’écriture qui l’a précédé.
Quand on lit un texte, ce n’est pas nous qui nous mettons en avant, c’est le texte qu’on propulse au premier plan. C’est d’abord une forme du livre qu’on propose. Et je préfère ça, proposer une autre version du livre, plutôt que répondre à des questions sur mon travail et paraphraser le texte. «
Interview Laurent Cauville / Aprim