Édition jeunesse accessible : un programme pour des livres qui parlent à tous
La bibliothèque de demain ne pourrait-elle pas devenir plus inclusive ? C’est la conviction portée par Normandie Livre & Lecture, qui, à travers son groupe de travail « Accessibilité en bibliothèque », a souhaité s’emparer du sujet. « Pour promouvoir le concept de l’édition jeunesse accessible (EJA), nous nous sommes tournés vers Signes de sens, retrace Alexandra Guéroult, chargée de projets Bibliothèque. Cette association a développé ce programme en partant du constat que les publics porteurs de handicaps fréquentaient peu, ou pas du tout, les bibliothèques, puisque rien n’y était pensé pour eux. »
Le dispositif EJA, d’abord lancé dans les Hauts-de-France, essaime aujourd’hui à l’échelle nationale avec près de 200 bibliothèques inscrites dans la trajectoire. Ce maillage territorial s’étoffe actuellement en Normandie. « Notre ambition, pose Virginie Brivady, chargée de mission pour Signes de sens, c’est que tous les enfants de 3 à 12 ans porteurs de handicaps puissent trouver des livres adaptés à leurs besoins spécifiques, à moins de 30 minutes de leur domicile. »
Des livres adaptés, rassemblés dans un espace dédié
En Normandie, le projet a débuté en 2024 par la formation des bibliothécaires, afin de mieux connaître les handicaps et passer en revue les différentes adaptations disponibles : livres en braille, livres en gros caractères, livres syllabiques, etc. Deux libraires et six éditeurs se sont joints à la démarche.
« Pour éviter de stigmatiser, précise Virginie Brivady, nous préconisons de rassembler les livres adaptés dans un espace dédié pour que les enfants puissent les retrouver plus facilement, en les triant par types d’adaptation et non par handicap. Nous cherchons d’abord à répondre à un besoin. Un livre facile à lire et à comprendre (FALC) s’adresse aux personnes qui portent des troubles de développement intellectuel, mais tout le monde peut le lire, notamment les enfants DYS. »
Après la formation, l’accompagnement se prolonge par quatre visio-conférences tous les deux mois pour suivre l’avancement du dispositif dans les bibliothèques.
Connaître les handicaps pour mieux accueillir
Psychopédagogue, Sophie Bercker-Leglay intervient au Centre ressources autisme Normandie Seine-Eure (CRANSE) et propose des lectures au Salon du livre jeunesse de Rouen ainsi qu’au FabaLab, tiers-lieu de la parentalité à Bihorel. Elle sensibilise aussi les bibliothèques à l’accueil des personnes porteuses d’un handicap mental ou souffrant d’autisme. « Il est nécessaire de préparer leur venue, les locaux, les livres et la manière de raconter. Les autistes peuvent faire des crises anxieuses imprévisibles. Mais ils sont heureux de venir en bibliothèque, de se sentir accueillis, même s’ils n’ont pas tous les codes. La crainte des bibliothécaires vient d’un défaut d’information. »
Stéphane Maurice / Aprim
· 11 espaces EJA sont ouverts à ce jour en Normandie.
· 29 bibliothécaires et libraires ont été formés à l’EJA et 6 éditeurs ont suivi une sensibilisation.
· 5 éditeurs régionaux proposent des collections accessibles.
De quels troubles parle-t-on ?
Alexis Boitout, neuropsychologue à Rouen et promoteur de l’EJA auprès des parents, identifie, en dehors de déficiences intellectuelles heureusement très rares, trois grands troubles de neuro-développement qui affectent les apprentissages :
• Les troubles « DYS », qui touchent 10 à 15 % d’enfants en âge scolaire. « On y distingue la dyslexie, qui est un trouble de la lecture spécifique, sans déficience intellectuelle ; la dyspraxie, qui perturbe l’orientation du regard, avec des sauts de lignes ou de mots intempestifs ; et la dysphasie, trouble du langage oral, qui a des répercussions à l’écrit. » Les troubles « DYS » sont pris en charge par des adaptations (caractères et interlignes plus importants, choix de la typographe, couleur du papier pour un meilleur contraste).
• Les troubles de l’attention (des aménagements permettent de réduire l’effort de lecture).
• Les troubles sensoriels de la vue ou de l’audition. Dans ce cas, on ne parle plus d’adaptation de livres mais d’une transformation du support (livre en braille, livre audio…).
« Une attente clairement exprimée »
Sollicitée par Normandie Livre & Lecture pour soutenir son programme EJA, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) y voit un levier pour accélérer la diffusion de pratiques répondant aux besoins de certains publics. Le point avec Idyll Bottois, conseillère Livre et Lecture à la DRAC.
« Les questions d’accessibilité à la lecture et à la culture sont au cœur des missions du ministère de la Culture et de la DRAC. Le sujet de l’édition jeunesse accessible (EJA) s’inscrit donc parmi les dispositifs répondant à cet enjeu.
Depuis longtemps déjà, le secteur du livre s’interroge et repense les façons de mieux accueillir tous les publics. D’où l’intérêt d’accélérer la réflexion, en premier lieu dans les bibliothèques et médiathèques, lieux stratégiques à la fois par leur gratuité d’accès pour tous les âges, leur forte présence sur le territoire, mais aussi pour le travail de médiation mené.
Grâce au programme lancé par Normandie Livre & Lecture, on est au début d’une démarche appelée à se poursuivre, pour infuser progressivement chez les professionnels du livre en Normandie. L’enjeu est de développer des compétences et des actions qui, en encourageant la participation effective à la vie culturelle, concourent à l’exercice des droits culturels et répondent à un besoin. Nous souhaitons donc poursuivre notre soutien en 2025. »
Pour intégrer la formation EJA en 2025…
Bibliothécaires, librairies, éditeurs… Si vous souhaitez intégrer la seconde phase de formation à l’EJA en 2025, contactez Alexandra Guéroult – 06 03 31 28 11 – alexandra.gueroult@normandielivre.fr