L’Atelier Typo.Graphique : la précision du geste

Vous venez d’ouvrir l’Atelier Typo·Graphique dans les locaux du collectif Manœuvre au niveau des anciennes casernes Koenig. C’est quoi exactement la typographie ?
Le terme peut renvoyer à des choses différentes en fonction du référentiel de chacun ! Au sens strict du terme, la typographie désigne l’impression avec des caractères en relief. Cependant, la typographie peut également désigner le fait de dessiner des caractères, souvent dans le but de créer un logo, un lettrage ou même une fonte tout entière. Je parle souvent d’impression typographique car cette expression a le mérite de poser le contexte et de projeter un imaginaire ! L’impression artisanale, la création de supports papiers uniques.
Comment en êtes-vous venu à vous former dans ce secteur ?
Ma rencontre avec la typographie s’est passée bien après mes études initiales en design graphique, lorsque je travaillais à l’URDLA – Centre International Estampe et Livre de Villeurbanne, en 2011. Embauché comme chargé de communication, je devais également imprimer exclusivement en typographie, chaque trimestre, un petit livret de 16 pages. Je n’y connaissais alors absolument rien et après une seule journée de formation sur la presse platine Heidelberg il a fallu me débrouiller seul ! Rétrospectivement, cela paraît assez fou puisqu’à l’époque où la typographie était une technique d’impression encore très répandue, l’apprentissage durait plusieurs années. Heureusement, j’ai pu compter sur mon collègue lithographe pour m’apprendre les rudiments de l’impression « en accéléré » ! C’est aussi à cette période où j’ai commencé à pratiquer la linogravure pour imprimer moi-même les illustrations que je créais. Les liens entre linogravure et typographie sont d’ailleurs assez évidents ! La rencontre avec ces techniques d’impression artisanales fut une révélation puisque j’ai subitement découvert que je pouvais gérer entièrement le processus d’impression des images que je concevais, c’est-à-dire faire concrètement exister une image de bout en bout de la chaîne, de la conception jusqu’à la production de l’objet physique, imprimé.
Vous exercez un autre métier à côté, pourquoi avoir voulu créer l’Atelier Typo·Graphique ?
Effectivement, j’exerce le métier d’enseignant en arts plastiques auprès de collégiens, depuis une dizaine d’années maintenant. Le projet de L’Atelier Typo·Graphique est né dans une continuité naturelle avec ma pratique personnelle autour de l’objet imprimé. J’ai notamment produit un certain nombre d’objets relevant de la microédition dans mon parcours et le développement d’un atelier d’impression artisanale s’inscrit dans cette volonté d’avoir un outil de production complet à portée de main.
Ouvrir l’atelier à tous types de projets pour proposer à ceux qui le souhaiteraient des objets imprimés artisanalement, de la carte de visite à l’étiquette de boisson en passant par une œuvre artistique ou des documents reliés est un vieux rêve que je peux enfin toucher du bout des doigts !
En tant que designer graphique, j’apprécie me mettre au service d’un projet, chercher la meilleure manière de répondre à une commande, à une problématique, et accompagner le développement d’objets de communication, qu’ils soient imprimés ou non. Le projet de L’Atelier Typo·Graphique s’est donc construit autour de toutes ces envies.
En visitant l’atelier et en écoutant vos réponses, nous sommes immergés dans des processus artisanaux. Quel regard portez-vous sur l’artisanat ?
Effectivement, les processus artisanaux sont primordiaux dans le développement de l’atelier. Je m’inscris autant que possible dans une filiation avec les gestes et les techniques traditionnelles de la typographie. La question du geste précis est d’ailleurs primordiale à mon sens et c’est sans doute ce que je retiens le plus dans ma façon d’aborder l’artisanat. La recherche et le perfectionnement du « bon geste » est une quête infinie et passionnante ! En plus de ma fascination pour le matériel, les machines et les gestes de la typographie traditionnelle, je développe également une approche plus moderne et expérimentale sur les manières de produire des objets imprimés. Je ne reste pas dans une position dogmatique et je ne me refuse rien à priori dans la manière dont je peux produire un objet imprimé. J’ai par exemple récemment produit et utilisé des matrices découpées au laser dans un fablab normand et aussi imprimé avec succès des matrices composées avec des jeux pour enfants ! Si l’idée peut paraître saugrenue au premier abord, la démarche s’inscrit pourtant bel et bien dans l’histoire de la typographie, c’est-à-dire l’impression avec des types. Rien n’est plus satisfaisant que de réussir à trouver une solution créative et efficace face à une problématique de production !

Il y a eu un financement participatif il y a peu pour acquérir une nouvelle presse. Comment est-ce que le projet de l’Atelier va pouvoir évoluer grâce à ce nouvel outil ?
Effectivement, j’ai lancé avec succès au printemps dernier une campagne de financement participatif sur la plateforme Ulule pour m’aider à acquérir une grande presse à épreuve typographique. J’aurais dû accueillir la presse de mes rêves au mois de mai mais un accident de manutention durant le transport l’a malheureusement complètement détruite. Je suis d’ailleurs en litige avec l’entreprise de transport, mais c’est une autre histoire. Heureusement, le réseau des typographes est très solidaire, il ne fait aucun doute que l’atelier pourra bientôt accueillir une grande presse à épreuve, lorsque je trouverai la bonne machine à acquérir !
L’idée principale dans le fait d’acquérir cette nouvelle machine est de pouvoir imprimer de grands formats, jusqu’au 50×70 cm. Je souhaiterais pouvoir accueillir des artistes pour des résidences artistiques autour de l’objet imprimé et ce genre de presse convient très bien pour l’impression de grandes gravures sur linoléum ou bois par exemple, en plus de la possibilité de combiner avec des matrices plus traditionnelles, caractères en plomb ou en bois… Enfin, une grande presse à épreuve typographique me permettrait ainsi de pouvoir tirer des affiches artisanales en petites et moyennes séries ou encore d’autres supports de communication ou pédagogiques…
Pour finir, un projet rêvé en typographie ?
Il y en a plusieurs ! En lien avec la musique, par exemple, j’adorerais pouvoir imprimer des affiches de concert en série limitée. Je rêve aussi de me voir confier l’impression d’une pochette d’un album vinyle… C’est un format que j’adore et la matérialité de l’impression typographique résonnerait bien avec cet objet ! J’aimerais également beaucoup travailler avec des brasseurs artisanaux, sur des étiquettes, des sous-bocks… Pour finir, le rêve ultime serait bien sûr de participer à l’impression d’un ouvrage en littérature jeunesse, poésie, livre d’artiste… Peut-être prochainement !

Propos recueillis par Marion Cazy
En savoir plus : www.ateliertypographique.fr