Delfine Guy : « Ma tête est comme un cinéma »

Publié le 29/11/2024
Temps de lecture : 4mn

Poétesse, plasticienne et danseuse orientale… Delfine Guy, alias Andréa Taos, est une artiste caméléon qui laisse volontiers agir les forces de l’inconscient pour développer un imaginaire aux franges de l’abstraction. Rencontre dans son atelier sur le hauteur de Dieppe.

Delfin Guy
Delfine Guy © S. Maurice / aprim

« Je ne respecte rien, ni artistiquement ni techniquement. » Delfine Guy a développé dès l’adolescence un rapport très personnel à la création. « L’écriture a toujours été là. Vers 15 ans, j’ai commencé à écrire en résistance, car ma famille ne comprenait pas ce projet, qu’elle considérait comme un loisir. J’aurais voulu intégrer un lycée en arts plastiques, car je sentais déjà un truc confus avec l’image. » Un compromis sera trouvé avec ses parents en étudiant l’histoire de l’art. « Prépa à l’École nationale des chartes, École du Louvre…, je ne suis allée au bout de rien, mais j’ai très vite développé une pratique d’autodidacte sans en avoir conscience. Le dessin est longtemps resté confidentiel, car j’avais encore des pensées limitantes. Pour moi, la toile, c’était sacré, réservé à ceux qui ont fait les Beaux-Arts. Jusqu’au jour où j’ai levé cet interdit. »

La toile comme une énigme

Installé sur les hauteurs dieppoises, l’atelier de Delfine Guy intrigue. Ni tréteaux ni chevalet, l’artiste peint au sol, entouréede pots d’acrylique, de craies grasses, de pastels, de pigments… Si ce travail à plat modifie les perspectives, il libère aussi des limites techniques.

Pour sonder les mystères de l’eau (la Meuse, le plancton, les mythes du Déluge…) ou revisiter l’œuvre de la comtesse de Ségur, Delfine Guy s’abandonne aux forces créatrices de son esprit, qui fonctionne par résonances, correspondances d’idées. « Je fouille dans les strates de la mémoire, mon rapport au rêve est très puissant et je visualise tout ce qu’on me dit, ce qui peut donner lieu à des visions. » Souvent submergée par le flot impérieux des images, Delfine Guy doit conjuguer tout cela. « Ma tête est comme un cinéma et je ne me repose pas beaucoup. »

« Je ne suis pas une petite fille modèle »

À l’invitation de Normandie Livre & Lecture, Delfine Guy a réveillé ses souvenirs de lecture pour célébrer le 150e anniversaire du décès de la comtesse de Ségur.

« J’entretiens un rapport ambivalent avec elle. Ses livres m’ont donné l’amour des mots, mais, enfant, j’étais d’une nature sensible, très timide avec un côté mystique, attentive aux autres au point de m’oublier. Les Petites Filles modèles n’ont pas aidé à me forger un caractère vaillant. Je lui en ai beaucoup voulu et je me suis juré de ne jamais confier ses romans à ma fille. »

Pourtant, en répondant à cet appel à projets, Delfine Guy a voulu revenir vers l’œuvre et voir comment les choses s’étaient passées. « Je ne suis pas la création de la comtesse de Ségur, mais elle a eu une influence sur ce que je suis devenue. »

En relevant des similitudes dans leurs parcours de vie, Delfine Guy a lancé des passerelles vers la romancière. « Pour lui rendre hommage, je lui ai écrit cinq lettres correspondant à des étapes de ma vie qui font écho à la sienne. » Évoquant la trilogie de Fleurville (1), cinq toiles accompagnent ce travail introspectif sur la condition des femmes, l’absence du père, la désillusion…

Stéphane Maurice /aprim

(1) Les Malheurs de Sophie, Les Petites Filles modèles, Les Vacances.

Bio express

2018 Participe au programme des Ateliers Médicis. « Création en cours ». Résidence en milieu scolaire de six mois à Attigny (Ardennes).

2019 Prix découverte Vénus Khoury-Ghata pour le recueil de Poésies La Grande Papillon.

2020 Représente la France lors du Printemps poétique transfrontalier (porté par la Kulturfabrik au Luxembourg et la DRAC Lorraine).

2023 Installation à Dieppe et exposition Plankton Paradise pour les 150 ans de la station marine de Wimereux.

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