Portrait de libraire : Bertrand Fouquoire de la librairie La Chaloupe
Qu’est-ce qui vous a donné envie de reprendre une librairie ?
J’avais eu il y a très longtemps, alors que j’étais étudiant en lettres, l’envie de travailler en librairie. À l’époque, cette envie s’était trouvée en concurrence avec beaucoup d’autres. Je m’étais tourné finalement vers les Ressources Humaines ; domaine dans lequel j’ai réalisé une longue première carrière. Il m’en était sans doute resté une trace puisqu’en apprenant que la petite librairie du lieu était à céder, lors d’une visite à Saint-Vaast-la-Hougue en 2019, mon sang n’a fait qu’un tour et mon esprit s’est mis à rêver à nouveau de livres et à animer ce lieu qui leur est consacré dans une région à laquelle je suis très attaché.
Avez-vous fait une formation spécifique pour devenir libraire ?
Non, mais j’ai bénéficié du support de mon prédécesseur pendant la phase de reprise. La librairie était petite et le terrain balisé. Je n’ai pas été confronté à de grandes difficultés si ce n’est à la crise de la COVID qui est intervenue trois mois à peine après le démarrage de mon activité de libraire. À la réflexion, cette crise a d’ailleurs finalement été une aubaine car elle m’a donné le temps de me pencher plus attentivement sur tous les aspects administratifs du métier de libraire ; aspects que, emporté sans doute par la partie plus opérationnelle de l’approvisionnement et de la vente de livres, j’avais un peu négligés.
La réalité du métier correspond-elle à vos attentes ? Qu’appréciez-vous le plus dans le métier de libraire ?
Oui tout à fait. Même si j’ai été surpris par l’importance du flux des nouveautés. J’imaginais évidemment que celles-ci constituaient une part importante des ventes et des attentes des clients. Je ne mesurais pas à quel point et avec quelle rapidité, particulièrement dans le contexte d’une petite librairie en zone rurale, les nouveautés chassaient celles des mois précédents. Pour le libraire qui s’attache à lire le maximum de livres pour en parler de manière satisfaisante, cela implique une course permanente qui réduit d’autant le temps qu’on voudrait aussi consacrer à ses lectures de choix et à la relecture de classiques.
Qu’est-ce qui vous paraît le plus difficile dans le métier de libraire ?
Ce qui est le plus difficile, c’est l’étroitesse des marges de manœuvres financières. On a l’habitude d’en plaisanter en soulignant que le métier de libraire est un « métier passion ». Manière de rappeler qu’il faut s’ôter de l’idée l’ambition de faire fortune en vendant des livres. Mais on apprécierait tout de même, compte tenu de l’effort continu que cela représente tout au long de l’année, que les marges commerciales permettent de dégager davantage qu’une très modeste rémunération. La réalité d’une librairie comme celle de Saint-Vaast-la-Hougue, dont l’équilibre global n’est atteint que grâce aux ventes réalisées en juillet, août et décembre, est qu’on ignore souvent jusqu’au 25 décembre si l’année sera finalement positive ou se soldera par des pertes.
La librairie a déménagé récemment, quel impact cela a-t-il sur votre activité ?
La librairie La Chaloupe a eu l’opportunité récemment de s’installer dans des locaux plus spacieux. À ce stade, il semble que le nouvel emplacement et la configuration des lieux soient très appréciés des clients. L’activité globale est plutôt positive par rapport aux années précédentes. La localisation précédente était excellente, mais la librairie était vraiment très petite. Les gens apprécient de pouvoir circuler et flâner entre les livres avec plus d’aisance. Certains qui ne s’étaient pas encore rendus compte qu’il existait une librairie à Saint-Vaast-la-Hougue depuis 15 ans, en ont fait la découverte cet été. C’est amusant et très encourageant.
Avez-vous d’autres projets dans un futur proche ?
Rien d’avouable pour le moment. Mais comme Perrette et son pot de lait, on ne peut s’empêcher d’avoir mille projets qui révolutionneraient l’ordinaire. Une manière d’entretenir le coté extraordinaire du métier.
Propos recueillis par Sophie Fauché
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